Le pédiatre Alain Sirard s’est suicidé


Le pédiatre Alain Sirard s’est suicidé, confirme la coroner
10 novembre 2017

FANNY LÉVESQUE
La Presse

Le pédiatre du CHU Sainte-Justine Alain Sirard s’est suicidé, confirme le Bureau du coroner du Québec dans son rapport d’enquête rendu public vendredi. La coroner Stéphanie Gamache conclut que le médecin spécialiste en maltraitance est décédé « d’un choc hémorragique » découlant de plaies « auto-infligées » avec une arme blanche.
Alain Sirard, 58 ans, a été retrouvé mort le matin du 6 décembre 2016 dans des locaux administratifs du CHU Sainte-Justine, où il pratiquait depuis plusieurs décennies.
Le médecin était sous le coup d’enquêtes du Collège des médecins après la diffusion de reportage à Radio-Canada et à La Presse dans lesquels des parents dénonçaient avoir été soupçonnés à tort d’avoir battu leur enfant.
Dans la foulée de la diffusion des reportages en 2013, le médecin avait été agressé dans un lieu public. Moins d’un mois avant sa mort, le pédiatre avait été informé d’une décision du comité de discipline du CHU Sainte-Justine. Selon la coroner, «il ne fait aucun doute que les épreuves des trois dernières années ont contribué à la décision de M. Sirard de mettre fin à ses jours».
Le jour de sa mort, l’homme a envoyé une lettre à ses proches, en plus d’en laisser une sur les lieux de son décès. La Presse avait obtenu copie de cette dernière.
Leur contenu « témoigne d’une décision longuement planifiée », écrit la coroner.

Le CHU Sainte-Justine réagit

Le CHU Sainte-Justine a réagi à la publication du rapport d’enquête rappelant la perte «d’un grand défenseur des droits des enfants» et d’un homme « fortement engagé dans les soins et l’enseignement aux futurs pédiatres. »
« Le Dr Sirard a consacré la majeure partie de sa carrière à la protection des enfants, et ses collègues poursuivent ce travail difficile, mais essentiel pour le bien-être de nos enfants », peut-on lire dans un communiqué publié vendredi.
Un comité relevant du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens a été créé depuis la mort de M. Sirard pour identifier « les situations particulièrement stressantes » pour les médecins comme les processus disciplinaires.

Pour lire l’article, cliquez sur la photo d’Alain Sirard

Au canada – Le suicide chez nos policiers

Le suicide chez nos policiers
2 OCT, 2017

AUTEUR

Étant de la communauté policière, je suis informé lorsqu’un policier se suicide. Depuis quelques mois, je remarque qu’il y en a de plus en plus et que les policiers qui passent à l’acte sont de plus en plus jeunes. Je sais que le suicide est préoccupant dans toute la société, mais cet article portera sur le suicide chez les policiers et chez les intervenants d’urgence. C’est mon monde à moi.

J’ai eu le malheur de couvrir plusieurs suicides de policiers et de policières dans ma carrière. Suicide par arme à feu, pendaison ou autre, chacune de ces tragédies me touche particulièrement puisqu’en quelque sorte, nous sommes tous de la même famille. Je perds donc un membre de ma famille chaque fois et je me demande si cette décision extrême a un lien avec le métier choisi et avec la détresse que nous côtoyons quotidiennement.

Être policier aujourd’hui n’a rien à voir avec ce que c’était il y a vingt ou trente ans. Premièrement, chaque policier aujourd’hui sait très bien qu’il est scruté à la loupe à chaque intervention. Des interventions, un policier peut en faire une dizaine et plus par jour. Il sait qu’il sera filmé, critiqué et très souvent insulté lors de ses interventions. L’erreur est humaine, qu’on dit, mais pas chez les policiers. Pour eux, l’erreur est inacceptable. Les médias sont là pour s’assurer qu’une erreur soit connue et critiquée par toute la population. C’est un vieux classique de le répéter, mais c’est quand même vrai : des gens sans expérience policière prendront des mois voire des années à décortiquer et à juger le geste d’un policier alors qu’il avait une fraction de seconde pour prendre sa décision.

Il y a trente ans, nos vieux confrères avaient plus de pouvoir face aux criminels et plus de respect de la part de la population. Les choses ont bien changé et ça peut finir par jouer sur le moral. Nous côtoyons chaque jour la violence, la détresse, la pauvreté et la maladie mentale. Oui, nous savions dans quoi nous nous embarquions en prêtant serment lors de notre embauche, mais ne savions pas que cela pouvait finir par nous atteindre à ce point.

Nous sommes les premiers à intervenir auprès de gens suicidaires et en détresse. Nous devons souvent nous improviser psychologues pour aider et diriger ces gens en détresse et en crise. Nous connaissons les signes précurseurs des gens qui passeront à l’acte. Nous savons où diriger ces gens et savons quel genre d’aide ils doivent aller chercher. Nous savons quoi leur dire pour les ramener vers le positif. La question est donc : pourquoi ces policiers passent à l’acte alors qu’ils savent exactement où et comment aller chercher de l’aide ? Pourquoi n’ont-ils pas vu l’entonnoir se refermer et pourquoi ne sont-ils pas allés chercher de l’aide avant ?

Vous savez, on s’attend à ce que les policiers soient forts et courageux. On s’attend à ce qu’ils soient en contrôle. On s’attend à ce qu’ils soient en excellente santé mentale. Nous connaissons ces attentes face à nous. La population s’imaginerait mal un policier se mettre à pleurer sur une scène d’accident mortel. Alors on apprend à être forts et à ne pas se laisser atteindre. Du moins, c’est ce qu’on apprend à montrer. On contrôle l’enveloppe et non le contenu.

Un policier qui met un genou par terre et qui demande de l’aide parce qu’il ne va pas, ça ne passe pas inaperçu. Lorsqu’un policier avoue vivre des moments difficiles ou être en dépression, la première chose que son employeur fera, c’est de lui enlever son arme à feu et c’est compréhensible. Par contre, on vient en même temps de lui enlever le droit de travailler sur la route. S’il n’est pas en congé de maladie pour prendre soin de lui, on l’assignera dans un bureau à faire des photocopies ou quelque chose du genre. Tout le monde saura alors qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Et quand on ne va pas, on sait tous qu’on ne veut pas nécessairement l’annoncer publiquement. Voilà probablement des raisons qui empêchent souvent un policier à admettre qu’il a besoin d’aide : l’orgueil et l’image projetée vers les autres. Car ne l’oubliez pas, on doit être forts, c’est ce que les gens attendent de nous.

Un message à mes confrères et consœurs :

– On a tous le droit de moins bien aller, d’avoir des passes difficiles. Nous ne sommes que des humains et nous avons tous des moments où ça va moins bien.

– Aller chercher de l’aide quand ça ne va pas n’est pas un signe de faiblesse. Il n’y a aucune honte à le faire. Je l’ai moi-même fait et je l’admets ici aujourd’hui. Je suis même particulièrement fier de l’avoir fait.

– Nous sommes là pour aider tout le monde tout le temps. Commençons donc par nous aider nous-mêmes. Nous devrions être notre priorité. Nous sommes habitués de protéger les autres avant de nous protéger nous-mêmes, mais il faut parfois savoir se prioriser.

– On a tous un partner ou un buddy dans notre équipe à qui on peut confier ce qui ne va pas et qui peut nous aider. Lancez-vous, parlez-en à quelqu’un!

– Donnons-nous la tape dans le dos qu’on ne reçoit ni de nos patrons ni des citoyens. Soyons là quand ça va moins bien. Notre travail n’est pas ordinaire et ce que nous vivons ne l’est pas non plus.

– On est tous une grande famille et dans chaque famille, il y a des gens qui vont moins bien. N’hésitons pas à aborder le sujet et à demander à quelqu’un ce qui ne va pas. Prenons les devants et offrons-leur notre écoute et notre aide. Chaque parole ou chaque geste peut faire la différence.

– Le suicide n’est pas la solution. Laissez-vous aider à trouver les solutions qui vous permettront de remonter la pente et d’aller mieux à nouveau. C’est possible et réaliste de s’en sortir. Ne restez pas seuls.

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police car with switched on emergency lights