Souffrances policières… les mal-aimés de la République

10.03.2017
Attentats, Euro 2016, Cop 21, manifestations contre la loi travail, état d’urgence, affaire Théo, les policiers expriment leur ras-le-bol. Reportage de Florence Sturm au Courbat, en Indre-et-Loire, un établissement qui accueille les policiers souffrant d’addictions ou de dépression.
Depuis des mois, les syndicats de police expriment régulièrement l’épuisement et le ras-le-bol des troupes. Ils ne sont plus les seuls à le faire publiquement puisqu’un collectif de policiers en colère, qui s’est structuré après l’attaque de Viry-Châtillon est à nouveau descendu dans la rue pour manifester en janvier 2017, sur fond de débat parlementaire sur la légitime défense.

Des policiers qui dénoncent des conditions de travail de plus en plus difficiles, et qui se retrouvent par ailleurs montrés du doigt, pour les contrôles au faciès ou les violences. L’affaire Théo est encore dans toutes les mémoires…

Des policiers qui craquent parfois… Ils sont 45 à avoir mis fin à leurs jours en 2015. En l’espace d’une décennie, de 2004 à 2014, 478 policiers se sont volontairement donné la mort.

Il existe en France un centre spécialisé -créé en 1953 par des CRS mais indépendant du Ministère de l’Intérieur – qui prend en charge les policiers en souffrance. Il accueille quelque 300 personnes chaque année.

Le Courbat se situe en Indre-et-Loire, pas loin de Tours et Chenonceau et les policiers y sont suivis principalement pour des problèmes d’addiction et de burn-out.
Le Courbat accueille essentiellement des membres des forces de l’ordre, policiers, gendarmes, pompiers, surveillants pénitentiaires mais l’établissement, financé par l’Assurance maladie, est également ouvert aux patients civils résidant dans la région.

Témoignage de Christophe, 46 ans, ancien enseignant. Dans l’atelier de création, il a reproduit « la Femme au miroir » de Miro.

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« Nos missions de simples flics ne sont plus remplies »

28.10.2016
#PoliciersenColère |De manifestants, ils sont devenus frondeurs. Depuis le 17 octobre, des centaines de policiers ont brisé leur devoir de réserve pour défiler partout en France. Ils se disent asyndicaux et apolitiques. Des cortèges dans lesquels s’exprime une parole rare : celle des policiers de terrain.
Le feu couvait depuis plusieurs années… des années de mal-être et de fatigue. L’étincelle a été l’agression de Viry-Châtillon, lorsque deux policiers se sont retrouvés aux urgences après une agression au cocktail molotov. Le choc émotionnel a fait s’envoler la peur de la sanction, décidé plusieurs dizaines de policiers à laisser leur devoir de réserve de côté pour descendre dans la rue pousser un cri d’indignation et de colère.

« On est en 2016, ça peut péter à tout moment. »

Romain*, la trentaine, gardien de la paix dans l’Ouest parisien.

Manifestant à visage découvert, Romain est gardien de la paix depuis huit ans. Pour celui qui a fait ses classes en province, « la situation ne fait que se dégrader. On a des armes de seconde main, des voitures qui roulent à peine. » Le regard direct, il décrit un quotidien stressant, plus qu’il ne devrait l’être.

« On a signé, on prend des risques, on le sait. Mais le risque, il doit être calculé. Il faut qu’on puisse, nous aussi, travailler en sécurité. Quand les risques ne sont pas calculés, comme pour les collègues de Viry-Châtillon (…), effectivement on peut dire qu’on n’est pas assez préparés. On a aussi la légitime défense qui est difficile : on a un millième de seconde pour décider si on va en prison le soir, si on meurt ou si on reste vivant. »

« Il y a aussi des interventions qui ne se font plus, parce qu’on est pris sur des missions de garde statique, par exemple (…). Ou bien lors des cambriolages, il faut parfois attendre deux ou trois jours avant que l’on vienne faire les relevés des traces et indices. »

Syndiqué, Romain ne compte plus sur ses délégués pour porter sa parole. Il aimerait que ce mouvement puisse amener de nouvelle idées, « comme par exemple affecter tous les jeunes qui sortent de l’école de police en Île-de-France. Ils seraient opérationnels bien plus vite. »

« Nos missions de simples flics ne sont tout simplement plus remplies. »

Jules*, officier de police judiciaire dans un service spécialisé d’Île-de-France.
Dans les cortèges nocturnes, il y a aussi quelques gradés, des enquêteurs, des officiers de police judiciaire. Ceux-là ne dressent pas de PV de circulation ou de stationnement, mais vivent un quotidien tout aussi difficile. Jules, OPJ, se dresse contre la politique du chiffre « qui fait que nos missions de simples flics ne sont tout simplement plus remplies comme elles le devraient. » Le regard franc, le jeune homme venu du Sud ne cache ni sa carte d’adhérent au syndicat Unité SGP-FO, ni son aversion pour le Front National. Lui, croit que ce mouvement peut redonner du sens à la vocation qu’il a choisie.

« J’ai été séduit par ce métier parce que je me suis dit que j’avais un rôle à jouer pour faire évoluer les choses dans le bon sens. Car moi le premier, avant de rentrer dans la police j’en étais déçu. (…) Rien n’a changé, et quand on attend des heures pour déposer une plainte, ce n’est pas normal. (…) Mes chefs me disent qu’il faut aller plus vite, qu’on n’est pas là pour approfondir, mais pour traiter des plaintes. C’est de l’abattage. »

Pour Jules, comme pour Romain, cette bataille ne passe pas par les syndicats. Dans les manifestations, les mots contre Alliance, UNSA, et Unité SGP-FO sont très durs. « Ils ne nous représentent plus. Ils sont corrompus, trop proches des politiques. Ils veulent nous récupérer. » Une contradiction, alors que près de 50% des policiers ont leur carte d’adhérent dans l’un ou l’autre syndicat ? « Pas vraiment, répond Jules. On se syndique souvent en début de carrière parce qu’on sait que sinon, on n’aura peu de chance d’avoir de l’avancement. Mais ça ne change pas grand-chose à notre vie. »

La crainte de la reprise en main par les syndicats

Quant à la récupération que critiquent et redoutent ces policiers frondeurs, une histoire est venue confirmer leurs craintes. Des photos prises par les policiers frondeurs se sont retrouvées sur les tracts de deux fédérations départementales d’Alliance (91 et 95) ce lundi 24 octobre. Des tracts qui ont fait hurler sur les réseaux qu’utilisent les policiers pour s’organiser et discuter, puisqu’elles laissent à penser qu’Alliance est un acteur du mouvement. Le syndicat concerné a finalement retiré les tracts incriminés de ses pages Facebook le soir-même.

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