Coronavirus : Quel suivi psychologique pour les soignants en première ligne ?

Coronavirus : Quel suivi psychologique pour les soignants en première ligne ?

Par Oihana Gabriel
31/03/20
BURN OUT Alors que les soignants font face, avec les moyens du bord, à la pandémie et ses situations douloureuses, plusieurs associations, plateformes et universités proposent un accompagnement psychologique gratuit

• Les soignants sont mis à rude épreuve par le coronavirus.
• Entre la peur d’être infecté, d’infecter leurs patients et leurs proches, la surcharge de travail, les patients très graves et les décès, l’accompagnement psychologique est indispensable.
• De nombreuses associations, groupes hospitaliers et plateformes offrent une hotline ou des téléconsultations gratuites.

Vider son sac avant qu’il ne devienne trop lourd pour avancer. En cette période particulièrement éprouvante psychologiquement, où chacun expérimente à des degrés divers le confinement, la solitude, la perte de repères, les angoisses, il est une population particulièrement soumise au stress : les professionnels de santé.
Obligés de travailler, parfois sans protection, souvent dans des conditions difficiles, les infirmières, aides-soignantes, médecins, brancardiers, kiné, ergothérapeutes ont bien besoin de parler de ce quotidien bouleversé par le coronavirus.

Éviter le traumatisme ou le burn-out

Le but : éviter le burn-out ou la dépression, surtout si cette crise s’étire en longueur.

« Un soignant est habitué à voir des malades, des mourants, rappelle Thierry Baubet, professeur de psychiatrie à l’hôpital Avicenne à Bobigny (AP-HP). Parfois, c’est trop, par exemple quand il est amené à gérer des situations pour lesquelles il n’a pas été formé. Et c’est le cas aujourd’hui, avec beaucoup de soignants qui travaillent pour la première fois en réanimation ou en soins palliatifs. Autre situation à risque : s’il y a beaucoup de morts, d’annonces de décès à faire, cela peut avoir un effet traumatique. »

D’autant qu’à la peur d’être contaminé s’ajoute celle d’infecter les patients ou les proches. Catherine Hintzy, psychologue, insiste :

« Les soignants ont besoin d’aide, on ressent beaucoup de colère et de peurs. Si on vide la casserole régulièrement, ça permet de tenir sur le long terme. »

Certains signes doivent alerter : les changements brusques de comportement, un mauvais sommeil, des addictions qui s’installent….

« Les niveaux sont individuels mais dès qu’on n’arrive plus à s’aménager des pauses ou qu’on a recours à des substances type alcool ou drogue de façon systématique, il est temps de consulter. »

Des hotlines organisées dans les hôpitaux

Voilà pourquoi de nombreuses associations et groupes hospitaliers proposent un accompagnement psychologique. Pas seulement aux soignants, d’ailleurs, mais aussi aux femmes de ménage, cuisiniers, secrétaires médicales, agents d’accueil, personnels d’Ehpad qui, eux aussi, prennent soin de notre santé.
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Les soignants ne sont pas les meilleurs patients…

Pour le moment, cette psychologue et ancienne infirmière n’a pas reçu d’appel.

« Il faut le temps que les gens se saisissent de l’outil et surtout fassent la démarche, justifie-t-elle. C’est bien connu, les médecins et les infirmières ne sont pas les meilleurs patients…. »

Même constat pour Thierry Baubet :

« on voit que pour le moment, il y a peu d’appels, une dizaine en une semaine sur la hotline qui couvre trois hôpitaux de Seine-Saint-Denis. Ce qui fonctionne davantage, pour l’instant, c’est quand l’équipe de psy passe dans les services et discute de manière informelle, à la machine à café, par exemple. »

Ce retard à l’allumage n’a rien étonnant pour ce psychiatre.

« C’est difficile, quand on est en pleine crise sanitaire, de demander de l’aide. On n’a pas la tête à ça, on pense qu’il faut tenir et ne pas trop se poser de questions, qu’on ne se sent pas légitime… »

Voilà pourquoi il mise davantage sur des méthodes où le soignant-patient n’est pas proactif, mais surtout où l’accompagnement se fait sur la durée.

« Le temps psychique n’est pas celui de l’urgence médicale, insiste-t-il. Ce qui se passe aujourd’hui va susciter de la souffrance de manière différée. Il ne faudrait pas que ces dispositifs d’aide disparaissent dès que l’épidémie sera passée. C’est justement quand la pression va redescendre que le risque psychique sera élevé. »

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