Quand l’art se met au service de la thérapie

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14 novembre 2015
Amélie BORGNE.
À l’hôpital Georges-Mazurelle, des patients ont peint sur des portes pour mieux exprimer leurs émotions.
Sous l’une des serres des espaces verts de l’hôpital Georges-Mazurelle, six belles portes se dressent. Leurs couleurs vives attirent l’œil : elles ont été peintes par six patients, lors d’un atelier mêlant art-thérapie et sociothérapie.
L’idée a émergé il y a quelques années, dans l’esprit de l’artiste Jean Coudrin, patient très connu dans l’hôpital, aujourd’hui décédé. En 2013, plusieurs pavillons de l’hôpital ont été démolis pour rénover l’établissement. Jean Coudrin propose alors au personnel de récupérer ces portes, pour en faire des œuvres artistiques.
Sous l’égide de la fédération des thérapies médiatisées (FTM), Véronique Parra, et Laurence Arrivé, respectivement infirmières en art-thérapie et en sociothérapie, ont mis en place cet atelier, il y a un an.
Cette forme de thérapie « permet aux patients de s’exprimer d’une autre façon, sur ce qui est difficile de mettre en mots », explique Véronique Parra.
Six portes, une symbolique
Pourquoi avoir choisi ces portes comme support ? « Les portes ont quelque chose de symbolique : fermées, elles protègent les patients durant l’hospitalisation. Après les soins, elles s’ouvrent vers le monde extérieur », affirme Véronique Parra.
La sociothérapie, justement, a pour rôle « d’amener les patients à trouver leur place dans la société, une fois sortis de l’hôpital », explique Laurence Arrivé, qui anime habituellement des ateliers d’écriture à l’hôpital.
Au dos des portes, les patients ont d’ailleurs écrit un mot faisant écho à leur dessin. Mais c’est bien par la peinture qu’ils s’expriment le plus. Sur l’une des portes, une tornade peinte à la gouache évoque la maladie qui chamboule l’existence ; sur une autre, un portrait sans visage rappelle le sentiment d’enfermement.
Valérie, une des patientes, a apprécié cet atelier : « Moi qui ne suis pas très créative, j’ai pu dépasser cette difficulté grâce à cette dynamique de groupe », assure-t-elle. Nicolas, qui a lui aussi participé à l’atelier, espère de tout cœur « que ces formes de thérapies se poursuivront pour les patients à venir ».
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L’art brut, qu’est-ce que c’est ? L’art brut d’hier à aujourd’hui

Logo-Les-impatientsConférence du 18 octobre 2015 aux impatients
Souvent qualifié, à tort, d’art des « fous », d’art naïf, ou bien confondu avec l’art thérapeutique, l’art brut mérite d’être défini.
Flavie Boucher vous invite à mieux comprendre ce qu’est l’art brut. Elle propose dans un premier temps de revisiter l’histoire de cet art singulier et de se familiariser avec ses principales caractéristiques, ainsi que de découvrir certaines collections et institutions qui en font la promotion. La projection et l’analyse d’œuvres de maitres d’art brut ainsi qu’un court métrage sur un artiste brut soutiendra cette exploration. Finalement, elle fera un état des lieux de l’art brut aujourd’hui, à l’international ainsi qu’au Québec.
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Collaboration de Flavie Boucher, MA muséologie, doctorante en histoire de l’art, Université de Montréal. boucher.flavie@gmail.com

L’Art Brut est un terme inventé en 1945 par l’artiste français Jean Dubuffet pour désigner les créations (dessins, peintures, assemblages) de personnes dépourvues de connaissances ou d’influences artistiques, qu’il réunira dans sa collection personnelle.

Pour bien comprendre le concept d’Art Brut, il est nécessaire de retourner à la fin du 19e et au début du 20e siècle. C’est une époque en pleine effervescence artistique et les artistes ressentent la nécessité de rompre avec la tradition académique, les conduisant à s’intéresser à la culture de « l’Autre ». Le primitivisme1 devient la réponse à cette quête d’altérité. Mais l’art populaire, les dessins d’enfant, l’art médiumnique et « l’art des fous » sont également des formes d’expression qui semble ouvrir des voies nouvelles à la création. Le terrain était donc préparé pour la « découverte » de l’Art Brut par Jean Dubuffet.

Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, Dubuffet s’intéresse aux travaux de pensionnaires d’hôpitaux psychiatriques et aux marginaux afin de constituer ce qu’il appelle « les fondements d’une esthétique de la subversion » puisqu’il considère les règles artistiques et culturelles limitatives. Il établit donc les critères qui se trouvent à mille lieues des modèles traditionnels de l’art : les auteurs de l’Art Brut doivent être autodidactes, marginaux, témoigner d’une inventivité et d’une indépendance créative et travailler dans la solitude et dans l’anonymat. Il élabore également une définition de ce nouveau concept :

« Nous entendons par [art brut] des ouvrages exécutés par des personnes indemnes de culture artistique, dans lesquels donc le mimétisme, contrairement à ce qui se passe chez les intellectuels, a peu ou pas de part, de sorte que leurs auteurs y tirent tout (sujets, choix des matériaux mis en œuvre, moyens de transposition, rythmes, façons d’écritures, etc.) de leur propre fond et non pas des poncifs de l’art classique ou de l’art à la mode. Nous y assistons à l’opération artistique toute pure, brute, réinventée dans l’entier de toutes ses phases par son auteur, à partir seulement de ses propres impulsions… »

L’Art Brut se trouve donc dans les créations d’aliénés, mais également dans celles de personnes isolées, d’excentriques, d’autodidactes, de personnes âgées et de prisonniers, bref de tous ceux qui sont exempts de culture ou qui y sont réfractaires et qui n’ont aucune aspiration de reconnaissance sociale. En somme, il cherche un art spontané, sans prétention culturelle et sans démarche intellectuelle qui, contrairement à celui des artistes, n’est pas produit pour un destinataire. Ainsi, afin de répondre à sa définition, Dubuffet choisit d’exclure de sa collection l’art naïf, l’art enfantin, l’art populaire, l’art premier et les créateurs ayant eu une formation artistique.