Sophie G. – SoF – Représenter l’espace sécurisant

SoF – Représenter l'espace sécurisant

Comment avez-vous procédé pour la concrétisation de votre esquisse ?

J’ai grand besoin d’une semaine de cure de sommeil !
Voilà ! C’est dit… Je vais arrêter les « Morning miracles », recettes miracles proposées par tous ces cours de gestion du stress qui fleurissent chaque matin sur la toile tout comme ces quantités de bouquins qui promettent à chaque nouvelle édition le Graal du « bien-dans-sa-peau » ! Moi, je veux seulement dormir…
Comme je dormais au temps du confinement !
Je veux à nouveau me lever chaque matin à 9 heures
Bien sûr, il y a eu ce changement de rythme : deux mois et demi de confinement avec des rituels bien calés, deux mois et demi intenses, certes, à vivre dans l’incertitude, le chaos, pas de travail ou alors les préparatifs de ma petite entreprise, l’enracinement ou la compréhension soudaine de son concept, chaque jour au fond de mon jardin… Deux mois et demi à écouter mon corps et ma boussole intérieure et unique, et à les respecter tous les deux. Bref, à me respecter tout simplement !
J’ai même appris sans m’en rendre compte à situer dans quelle phase énergétique je me situais. C’est maintenant que je le réalise ! Chaque mois, pendant 3 jours, je suis en sous-régime. Limite dépressive si j’en crois les critères du monde moderne. Pas facile à assumer car à contre-courant de notre société hyperproductive. Pourtant une partie de moi sait que ce retour dans mon « Ermitage » est essentiel. Pour me poser, me régénérer et ressortir avec une nouvelle énergie pour affronter vaillamment la prochaine fois…
Un autre frein que j’ai remarqué chez moi et les personnes que je côtoie au quotidien et au travail : Le vide, le sommeil, le rien-faire, ça les plonge, çà « nous » plonge dans la peur du vide, l’effroi, l’ennui, la culpabilité de ne pas être dans le faire, et ce n’est pas agréable. Non ! C’est pire que ça !
Seulement voilà ce que j’ai lu : « Figurez-vous que notre corps est doté d’une intelligence, et qu’en apprenant à l’écouter, et à lui faire confiance, nous devrions accéder à notre écologie intérieure, notre sagesse et notre intuition. Et en bonus nous devrions aussi régénérer notre système immunitaire, votre digestion, votre créativité… » Bref, que des bonnes nouvelles, non ?!? Mais pour y parvenir il nous faut l’endroit, l’espace, le cocon propice à vivre toutes ces merveilles annoncées.
Que faire ? L’imaginer, le créer, le rêver ? découvrir différentes approches pour y parvenir, se connecter, intégrer, tenter et décrocher ? Ou tout simplement créer ses propres règles du jeu et le retrouver au fond du jardin ?
Alors… Belles cures à vous, l’humanité a une vraie dette de sommeil !
En attendant, Emmanuelle, l’art-thérapeute, m’a une fois de plus proposé l’atelier qui tombait à pic : « Représenter son espace sécurisant »… je l’avais rêvé, il ne me restait plus qu’à le représenter.

« Pour commencer, mettre des feuilles ou protection sous une petite feuille sur laquelle, avec le crayon de votre choix et les yeux fermés à partir des sensations observées précédemment, laisser aller votre main et faire un gribouillis. Essayez de ne pas soulever le crayon de façon que l’esprit ne garde pas le contrôle. Éviter de regarder le dessin. Si le mental résiste, changer de main, mais garder les yeux fermés. »

Gribouiller n’a pas été un problème, j’y ai même pris goût depuis la séance sur la colère, qui pour moi a été une révélation. J’ai même envie de dire que je suis contente d’avoir vécu cela avec Emmanuelle, car ce n’est vraiment pas facile parfois de découvrir comment certaines choses ont pu vous formater et cela depuis l’enfance… S’éprouver en tant que thérapeute est essentiel.
Faire en sorte que l’esprit ne garde pas le contrôle… Tiens, tiens… La petite phrase qui fait mal et qui résonne. Mais j’ai gardé les yeux fermés, j’ai changé de main, le gribouillis a continué son chemin, et la petite voix s’est tue.

« Choisir l’angle du dessin préféré et choisir une couleur. Reprendre les contours des formes entrevues. Probablement que l’intellect va vouloir interpréter, mais essayer de laisser aller le processus créatif. Épaissir le trait ou créer une ombre. Déroulez quelque chose d’abstrait. Découpez la forme qui ressort de votre dessin. »

J’ai tout de suite vu un petit Alien. Pourquoi « petit » ? je ne sais pas. Mais c’est un Alien, ça c’est sûr, avec des ailes, trois oreilles, un seul œil, une très longue queue et malgré tout ça, une allure de chat… Petit, avec le sourire du chat rayé de Alice au Pays des merveilles.
L’Alien fait peur. C’est l’inconnu. Le virus aussi. C’est le même combat. Ou plutôt même confrontation. On se retrouve face à face à se regarder dans le blanc des yeux, (de l’œil !) sans savoir lequel des deux va gagner la bataille. En me relisant j’imagine le tête à tête célèbre du film « Alien »…
Après avoir pris un court instant pour respirer, souffler, me secouer un peu dans tous les sens Emmanuelle me propose de représenter l’espace sécurisant.

« Représenter sur la grande feuille un endroit où vous vous sentez bien. Ce peut être un endroit imaginaire, dans la nature ou autre. Positionner ensuite la forme dans un lieu de l’espace sécurisant, donc la petite feuille dans ou sur la grande feuille. Chercher comment les formes peuvent s’intégrer l’une dans l’autre. Intégrer là dans la grande feuille.
Puis donner un titre pour aller vers une histoire à votre composition. »

C’est avec soulagement que j’ai entrepris de dessiner directement sans passer par la case « croquis-départ » ce carré que j’ai créé au jardin durant le confinement, mon espace que je vis comme sécurisant que j’ai désherbé, bêché (où donc en ai-je trouvé la force ?!?), ratissé, planté de toutes les fleurs mellifères possibles et imaginables : ce carré bordé de toutes petites clôtures en bois qui lui donnent un air de jardin de poupée (Alice au pays des merveilles !) A chaque coin, j’ai installé un pot en céramique bleu outremer. L’un d’entre eux contenait déjà un hibiscus mourant à petit feu. Depuis que je l’ai installé auprès de ce carré, il nous démontre sa gratitude en nous offrant chaque matin une ou deux fleurs d’un jaune flamboyant d’une vingtaine de centimètres ! c’est mon coin de paradis que je bichonne chaque matin, et que je surveille avec amour.
Mon dessin naissait sous les traits du pinceau et de l’aquarelle sans aucune hésitation. J’utilisais l’espace tout simplement en racontant l’histoire de ce carré à Emmanuelle l’art-thérapeute qui m’écoutait patiemment.
Ensuite il a fallu placer l’alien… Au début, il y avait une telle différence entre cet « animal » inconnu que j’avais assimilé à la COVID-19 que j’ai eu beaucoup de mal à envisager lui trouver une place. Je devrais même dire que je n’en avais pas vraiment envie, voire tout simplement pas envie du tout.
J’ai alors pensé à ce chat noir aux yeux (ils sont bien 2) très verts, qui passe très souvent dans notre jardin, mais qui appartient à nos voisins. Nous nous jaugeons très souvent du regard sans jamais nous approcher l’un de l’autre. Je l’ai surnommé Flerken en référence au chat des Avengers (Un Flerken est un extraterrestre très intelligent de la Terre-58163 prenant l’apparence d’un chat. Incroyablement rares, les représentants de cette race se reproduisent en pondant des œufs, peuvent attaquer les ennemis ou se défendre à l’aide des crocs et les tentacules logés dans leurs joues et également manipuler le temps et l’espace : Aussi dangereux que la COVID-19…). Depuis peu, il s’installait face à moi quand j’étais à ma table de jardinage. Seul le grillage nous séparait. Nous n’avons jamais été aussi près l’un de l’autre, et il me fixait pendant que je rempotais, taillais, coupais, nettoyais… et moi, je lui parlais. Encore un nouveau tête-à-tête bizarre. A l’image de chacun d’entre nous en tête-à-tête avec le virus, avec pour seul témoin notre propre conscience, face aux règles à respecter.
Un jour, les voisins ont posé une clôture en paille le long de ce grillage, juste sur la longueur qui bordait ma table et ma serre, mettant fin à ces rendez-vous.
Encore une forme de distanciation !
J’ai collé l’Alien à l’endroit où se couchait le chat. J’en veux un peu à mes voisins…
Mon titre : « Tête-à-tête : Situation de deux personnes qui se trouvent seules ensemble. »

Quels matériaux avez-vous utilisés ?

Je suis très ritualisée pour les ateliers d’art-thérapie avec Emmanuelle. Maintenant que je suis plus en confiance avec l’aspect informatique, j’entends par là le protocole écran/écran, et que par conséquent je n’ai plus de soucis avec l’installation, je prends mon temps pour préparer mes affaires. Et ce sont toujours les mêmes : C’est ma façon de faire quand une situation me convient particulièrement. Ce sont pour moi de vrais rendez-vous qui ont maintenant une grande importance dans le déroulement de ma journée et même de ma semaine. La commencer par ces échanges qui me donnent chaque fois un peu plus confiance en moi, comme un accompagnement dans ma prise de conscience d’être maintenant une art-thérapeute aura été capital.
Mais revenons à mes outils : Toujours le même papier aquarelle 300 grs, les feutres noirs Micron supportant toutes les superpositions, et ma boite fétiche devenue « spéciale art-thérapie » de gouaches aquarellables. Je dilue ou je ne dilue pas, selon mes envies et mon humeur. Et cette fois l’aquarelle prenait toute sa place et son sens.

Qu’avez-vous ressenti tout au long de l’évolution de votre création ?

Commencer par un gribouillis a été pour moi assez déroutant. Même si ce n’était pas un problème, c’est une méthode dont je n’ai pas l’habitude. Je reste toujours inquiète à l’idée de déborder, de faire en sorte que le gribouillis reste tout de même équilibré, voire qu’il ait une jolie apparence … « Garder le contrôle » …
La seconde partie a été bien plus agréable. Représenter cet espace sécurisant, non seulement j’en avais envie depuis longtemps mais en plus, le voir se dessiner aussi facilement à mainlevée tout en racontant son histoire qui est aussi la mienne finalement m’a procuré beaucoup de bien-être.
Bien sûr intégrer « l’Alien » a compliqué les choses, mais finalement trouver une explication à sa présence et lui donner ce rôle qu’il a à jouer lui donnait enfin tout son sens.

Que ressentez-vous en regardant votre production ?

La représentation d’un espace sécurisant qui en plus existe vraiment, et se trouve à quelques pas, ne peut être que particulièrement réconfortante. On prend alors conscience que même si « l’Alien-Covid-19 » rôde de manière insidieuse, le réconfort peut être lui aussi très près, et facile à atteindre. Il suffit de le savoir, de l’intégrer, être dans l’acceptation aussi. Encore faut-il que l’esprit ne soit pas sans cesse parasité par les énergies toxiques qui se font de plus en plus nombreuses en cette période de vacances et arrivée de « vagues tsunamiques » de touristes si peu soucieux des règles sanitaires.
Heureusement pour moi, je suis en vacances pour une quinzaine de jours, et c’est au creux de mon espace sécurisant, le vrai, et de toutes ces fleurs qui depuis ont fleuri que je vais les savourer … Et récupérer ma dette de sommeil !

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