La voix de ceux qui crient

La voix de ceux qui crient – Rencontre avec des demandeurs d’asile
Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky
Date de parution : 07/03/2018
Editeur : Albin Michel
ISBN : 978-2-226-40259-2
EAN : 9782226402592
Format : Grand Format
Présentation : Broché
Nb. de pages : 317 pages
Poids : 0.434 Kg
Dimensions : 14,6 cm × 22,5 cm × 2,5 cm


Page 257

Hors de la plainte

Ibra a trouvé un emploi en CDI et un logement, et il a ses papiers. Il s’est apparemment stabilisé, il est toujours suivi avec des antidépresseurs. Nous avons espacé les séances, il a rendez-vous une fois par mois environ. Un matin, il arrive tête baissée, se plaint d’un problème avec un des contremaîtres au travail. Il a reçu un avertissement car il arrive en retard. Il a tout le poids du monde sur le dos. Je tente de renverser sa perception des choses :
« Cet avertissement, c’est aussi pour dire que l’entreprise a besoin de vous, ils attendent de vous beaucoup de choses. Vous avez réussi à obtenir un CDI, c’est une grande réussite. Il y a quatre ans, vous auriez donné beaucoup pour qu’un employeur se mette en colère parce que vous ne venez pas à l’heure. »
Il argumente longtemps sur la trop grande pression. Quelques semaines plus tard, il rapporte une altercation très vive avec son contremaître, qui, dit-il, en est venu aux mains après l’avoir traité de tous les noms. Il quitte son travail sans préavis. Ainsi, Ibra continue dans la plainte comme si, inconsciemment, il ne pouvait s’en détacher sans risquer de perdre ce qui le rend unique. Être dans le trauma lui permettait en effet de mobiliser de l’attention autour de lui ; il fallait que des soignants se préoccupent de lui et s’inquiètent. Ibra propose cette trajectoire singulière d’un patient qui, après quatre ans de psychothérapie, est en permanence au bord du gouffre. Dès que son quotidien devient un cadre suffisamment stable, il le détruit pour répéter la scène traumatique, revivre la violence et replonger dans l’angoisse : c’est un voisin qui, épuisé par ses provocations, finit par le battre ; ce sont ses compatriotes qui, exaspérés par ses gémissements, l’excluent de leur groupe ; c’est l’entraîneur de foot du club de quartier qui l’insulte car il ne veut plus voir sa « gueule de petite frappe ».
Il s’arrange pour se faire battre et injurier, répète l’événement traumatique dans des déclinaisons continuelles. Il va chercher le châtiment. Régulièrement, il se soûle à la vodka et sort ivre mort dans la rue, frôlant l’accident. Le matin, il débarque dans la consultation pour vomir sa douleur et sa honte de mauvais fils et de mauvais musulman. Ainsi, Ibra, jouant sur les limites, n’est pas sorti de la jouissance du trauma.

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10 réflexions au sujet de « La voix de ceux qui crient »

  1. Je m’aperçois que c’est un article qui a été posté le 7 février vu les commentaires qui ont été déjà mis.
    Y a-t-il une personne qui peut m’expliquer pourquoi il a été ressorti ce soir ?
    Quand je lis ce morceau d’écrit, celui-ci ne fait pas apparaître les qualités de ce jeune homme. Comme je n’ai pas lu ce livre je ne sais pas trop quoi en penser. J’aimerais avoir un peu plus d’explication. Merci.

    1. Bonsoir,
      Je ne suis pas la mieux placée pour répondre à votre question.
      Vu les qualités que j’ai et ma façon de percevoir etc…
      Vous devriez vous acheter ce livre.
      C’est un livre qui est rempli de situations fortes, mais pas que…

      1. Bonsoir
        Je reprends votre commentaire :

        « Je ne suis pas la mieux placée pour répondre à votre question.
        Vu les qualités que j’ai et ma façon de percevoir etc… »

        Je suis choqué par l’image que vous avez envers vous. Vous êtes tellement dure ! Mais pourquoi ?
        que faut-il faire pour vous faire comprendre que vous n’êtes pas si mal que ca. Vous vous rendez compte le travail qui a été fourni sur ce blog. Vous seriez une personne si mauvaise vous ne feriez pas d’aussi belles œuvres. Et vous n’auriez pas envie non plus de nous transmettre cet espoir et votre histoire.
        Alors j’attendrai que l’on puisse répondre à ma question. Je trouve que les échanges sont plus constructifs et importants.
        En vous souhaitant une bonne nuit.

        1. Bonjour,
          Je n’arrive pas à faire de lien avec ceci et le livre.

          « Vous seriez une personne si mauvaise vous ne feriez pas d’aussi belles œuvres. Et vous n’auriez pas envie non plus de nous transmettre cet espoir et votre histoire. »

          Vous savez j’ai cette impression, que l’on ne prend en compte que les œuvres. Parce qu’on a un besoin… et non la personne entière que je suis. Pour ça mon psychiatre m’a dit que je n’avais pas entièrement tord et que c’était bien dommage.
          Ce n’est pas une plainte, mais un fait.
          Derrière tous ces dessins il y a une personne, avec des qualités, des défauts et des sentiments etc. On aurait tendance à l’oublier souvent.

          Ce livre MAXWARS a une morale, une leçon de vie c’est plus qu’un écrit.
          Il y a une phrase très forte que moi-même je n’avais pas vue car je ne percevais que le négatif dans ce passage de ce livre la voici :

          « Cet avertissement, c’est aussi pour dire que l’entreprise a besoin de vous, ils attendent de vous beaucoup de choses. »

          A méditer.
          Bonne journée.

          1. Bonjour
            Effectivement c’est très intéressant votre commentaire. Cela m’est déjà arrivé que l’on ne me prenne pas entièrement. J’ai un bon coup de crayon. Quand j’ai travaillé dans une grande maison de couture de luxe on ne voulait que mes croquis. Mais j’ai appris à faire mes choix et aller avec les personnes qui portaient un intérêt sur mon travail mais aussi sur la personne que j’étais.
            Vous allez apprendre. Ce blogue est une très bonne sécurité. Personne ne vous fera du mal. Enfin je pense… sachez aussi qu’il y aura toujours des personnes qui profiteront de tout. Tout comme c’est chacun pour soi. Certaines personnes font du mal et elles n’ont rien à faire de ce que peut ressentir les autres. Celles-là aussi il faut les éviter.

        2. Bonjour,

          « sachez aussi qu’il y aura toujours des personnes qui profiteront de tout. Tout comme c’est chacun pour soi. Certaines personnes font du mal et elles n’ont rien à faire de ce que peuvent ressentir les autres. »

          Me concernant cela me dépasse de faire du mal pour le plaisir etc. !
          On est poussé à être constamment aux aguets et sur la méfiance et cela n’est pas bon !
          Mais bon tout le monde n’est pas ainsi et heureusement.
          La vie est un mouvement constant dans l’apprentissage.

        3. Bonjour,

          « que faut-il faire pour vous faire comprendre que vous n’êtes pas si mal que ça. Vous vous rendez compte le travail qui a été fourni sur ce blog. Vous seriez une personne si mauvaise vous ne feriez pas d’aussi belles œuvres. Et vous n’auriez pas envie non plus de nous transmettre cet espoir et votre histoire. »

          Je voudrais revenir la dessus, parce que cela me turlupinait.
          Excusez-moi d’être aussi directe.
          Mais vous vous aimez vous ?
          Pour moi cela reste très difficile. Accepter que je peux respirer et que j’ai le droit de vivre. Vous savez j’ai des tas de questions. Pourquoi moi ?
          Pourquoi je n’arrive pas à retrouver une odeur sur moi qui ne me fait pas fuir ?
          La culpabilité ah ça c’est pareil !
          Transmettre mon histoire non,car on ne transmet pas l’indicible et c’est mauvais et puis surtout quand on vient me répéter que je me suis faite « sauter » par tout le monde et j’en passe… Mon psy quand il a lu cet écrit a été sidéré que l’on puisse avoir de tel propos. Comme il me l’a expliqué l’impact est violent. Moi j’étais là à me demander et si on avait raison ou pas ? je me suis sentie « dégueulassée et nue une envie de prendre le cuter et de laisser ce poison tueur en moi couler.
          Mon image que j’ai envers moi ne reste jamais stable, je peux vraiment me haïr très violemment et arriver à me supporter. Mais m’aimer ça non il ne faut pas trop exagérer..Un jour peut- être ..
          Pour moi je suis plus dans le partage, la transition d’un espoir et qu’il faut toujours essayer de ne pas baisser les bras. Parce que ce n’est pas si facile. Oh oui on peut crier je vais le faire etc. mais passer à l’action ça c’est gravir une montagne !
          Essayer pour ne rien regretter. Cet espoir qui nous permet de pouvoir se dire : oui j’ai le droit de vivre.
          Il y a l’art-thérapie et ça c’est trop canon de pouvoir transmettre cela !
          Après n’attendez ni retour, ni un merci car le but n’est pas là. Car c’est vous qui transmettez. Parce que les personnes ne savent pas dire, ou alors car cela les gênent etc.. ou encore elles s’en foutent..Par contre pour moi, un sourire, des yeux qui pétillent, quand j’entends ces paroles : « je suis fière de moi » ou alors je reviendrais, j’ai pris plaisir etc.. Ça c’est un merci.
          Depuis quelque temps je me dis qu’on est rien face aux autres. Je suis juste un grain de sable qui essaye de semer une autre petite graine et les autres personnes en font ce qu’elles veulent soit elles la font grandir etc. ou soit elles la laissent mourir.

  2. « Dès que son quotidien devient un cadre suffisamment stable, il le détruit pour répéter la scène traumatique »

    Je me pose cette question pourquoi ?
    Pourquoi détruire ce qu’il a mis en place comme ce travail qu’il a trouvé mais aussi l’aide qui a été mise en place pour l’aider ? pourquoi détruire ?
    C’était comme si il voulait réussir à avancer, mais qu’une partie de lui veut se foutre en l’air, se faire massacrer et détruire l’aide qu’on lui apporte. Répéter ce qu’il a subi pour exister mais pas de la bonne façon. C’est dangereux car cela l’emmène vers la destruction et la mort.

  3. Donc je n’en parlerais pas non plus au docteur L. de cette douleur physique et plus de traitement avec lui. Plus de médecine anti-douleur ou autre parce que c’est une plainte et que c’est pour que l’on s’occupe de moi.
    Et ça je ne le veux pas que l’on pense qu’il faut s’occuper de moi ! Ce poids !

  4. Extrait du texte : « Être dans le trauma lui permettait en effet de mobiliser de l’attention autour de lui »
    Oui c’est ce que vous avez écrit pour ma douleur : « Vous êtes choutée à la douleur pour être sûre qu’on s’occupe de vous »

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