Le protocole de l’analyse à l’épreuve du numérique

Article – Cynthia Fleury Le protocole de l’analyse à l’épreuve du numérique
Fleury, C. (2015). Le protocole de l’analyse à l’épreuve du numérique. Adolescence, t.33 3(3), 523-534. doi:10.3917/ado.093.0523.

Résumé

Quelle est la place des nouvelles technologies de la communication dans le protocole analytique ? Est-il possible d’effectuer un travail analytique, voire de faire une « séance » par voie numérique ? Celle-ci est par nature à l’abri des rapports sociaux classiques et des formes de pression et de domination habituelles ?
Probablement que la scénographie analytique est garante de la cessation des modes panoptiques. En tout état de cause, quelles sont les conditions « numériques » de possibilité de la cure analytique ?

Introduction

Tout d’abord, l’évolution des modalités de la cure analytique depuis Freud montre que l’orthodoxie des pratiques demeure structurellement plastique pour correspondre à la singularité du couple analyste-analysant et permettre, lors des séances successives, la progression phénoménologique de la cure.
Depuis les années 2000 et l’émergence du web 2.0, de nouvelles modalités de pratique analytique sont demandées de la part de patients, indifféremment installés dans la cure ou la commençant. Les questions de la mobilité et de l’immédiateté, comme celle de la place des nouvelles technologies, sont devenues majeures.

L’organisation de la circulation des regards

Le protocole de l’analyse à l’épreuve du numérique.
Par ailleurs, la scénographie freudienne de l’analyste, se situant hors de la vision directe de son patient, demeure archétypale mais dans la pratique clinique fait place à de multiples interprétations. Quoiqu’il en soit, il est certain que ce n’est pas la place de l’analyste qui compte mais l’organisation de la circulation des regards : d’une part, celui de l’analyste et d’autre part celui de l’analysant. Par conséquent le croisement et le non-croisement des regards se révélant mutuellement féconds pour le développement de la cure, comme la possibilité de pratiquer le « regard sur l’autre » tout en étant à l’abri de la réciproque.

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Les réseaux sociaux – Au sujet de nos des choix informationnels

Tous sur les réseaux sociaux et tous à cran politiquement : le graphique qui inquiète
12 Novembre 2017
Un graphique montre que depuis la naissance des réseaux sociaux, l’électorat démocrate américain tend à être de plus en plus libéral alors qu’au contraire les républicains deviendraient de plus en plus conservateurs.

Atlantico : Un graphique du Pew Research Centre montre la polarisation des idées politiques depuis 2004 jusqu’à aujourd’hui, soit depuis la naissance et le développement des réseaux sociaux. Dans ce dernier on constate que l’électorat démocrate américain tend à être de plus en plus libéral alors qu’au contraire les républicains deviendraient de plus en plus conservateurs. Est-ce que cette polarisation des idées est transposable en France ? Comment l’expliquer et est-ce que les réseaux sociaux sont les seuls responsables ?


Le graphique montre la distribution de la population en fonction de leur sympathie politique par parti, aux Etats-Unis (Parti démocrate en bleu et Parti républicain en rouge).

Dominique Wolton : On ne peut pas dire que les réseaux sociaux soient les uniques responsables. La mondialisation plus la fin de la guerre froide effacent tous les critères classiques de positionnement politique. Il y a une perte des valeurs, on pensait à une mondialisation de la démocratie, mais on se retrouve avec une mondialisation du capitalisme, ce qui n’a rien à voir. Il y a une perte de repères qui favorise, notamment à l’occasion de la crise de 2008, des positionnements qui n’étaient pas autrefois simples à assumer. Cela explique une montée de l’extrême droite. D’autant plus que la social-démocratie a du mal à retrouver un horizon.
La mondialisation de l’information aboutie à un effet pervers et imprévu. On pensait que plus il y aurait d’information, plus il y aurait d’informations sur le monde. Mais c’est l’inverse qui s’est produit. La concurrence, la multiplication des chaînes de télévision, des radios et des journaux a abouti à une simplification de l’information mondiale. Avec par conséquent, une angoisse qui monte. 24h d’informations c’est 24h d’angoisse. Si l’on résume : angoisse + déstabilisation + absence de repères, il est normal que ce cocktail créé un sentiment d’insécurité donc de repli sur des valeurs plus traditionnelles.
La modernité triomphante qui se réduit clairement par le simple fait de consommer à grande échelle a détruit les identités. Contrairement à ce que disent tous les démocrates, il faut défendre les identités au lieu d’y voir systématiquement le populisme. C’est parce qu’on n’a pas su défendre les identités que le populisme remonte.

Les réseaux sociaux amplifient ce phénomène mais ne le créent pas. Corrélation n’est pas causalité. Ils l’accentuent car l’expression généralisée se fait dans un cadre communautaire. Il n’y a pas que les algorithmes qui enferment les internautes dans des bulles composées de gens qui ne pensent que comme eux. C’est la logique même de l’expression qui fait que s’agrègent les gens qui pensent de la même manière.
C’est là où intervient la perversion de la démocratie. L’expression généralisée ne fait pas plus de démocratie.

Dans cette polarisation des idées politiques, quelle est la responsabilité des algorithmes utilisés par les réseaux sociaux pour « maximiser l’engagement » ?

Nicolas Vanderbiest : On avance souvent la question des algorithmes pour expliquer les phénomènes de bulles informationnelles dans lesquels nous nous situons. Or, si l’on prend un réseau social qui n’avait jusqu’à présent que très peu d’influence par algorithme, Twitter, nous observons exactement le même phénomène : nous ne suivons que ce que nous aimons. Mais ce constat était déjà le cas auparavant avec des journaux d’opinion. On ne voit pas la même information dans Le Figaro et dans Libération. Il y a un « cadrage informationnel » qui fait que l’on discute des mêmes faits, mais pas avec la même paire de lunettes. Pour moi, le problème tend plus à la surabondance de contenu sur le marché que de l’agencement des contenus. Comme il est devenu impossible de tout suivre et que vous avez un choix de contenus tellement large, vous faites des choix informationnels qui petit à petit vous isolent dans votre propre bulle.

Au final les réseaux sociaux longtemps décrits comme étant un outil « utile » aux démocraties et aux débats ne se révèlent-ils pas être la némésis des démocraties occidentales ?

Nicolas Vanderbiest : Le problème est que les réseaux sociaux ont permis quelque chose d’incroyable : n’importe qui peut publier n’importe quoi. A l’exception que cette chance qui nous a été offerte n’a pas été saisie par tout le monde. Aujourd’hui, nous nous retrouvons sur un marché non plus de l’information, mais un marché de contenu. Et un marché où les produits qui sont proposés sont biaisés par rapport à la population puisque les radicaux publient et produisent 3 à 6 fois plus de contenu que les personnes traditionnelles.
Par ailleurs, petit à petit, les réseaux sociaux n’ont plus été utilisés pour écrire, mais pour commenter. Et dans une optique de commentaire, il faut que :
– Vous ayez un avis sur quelque chose. (Ce qui n’est pas toujours le cas)
– Que vous vouliez faire partager cet avis au reste des gens, ceci sans aucune gêne.

Ces deux conditions font que la plupart du temps, les commentaires sur une actualité ou une polémique sont également réalisés par des radicaux. Comme la société a tendance à subir le phénomène de « Bandwagon effect », qui fait que nous tendons à suivre la majorité, cela fait une situation bizarre, où l’on suit non plus une majorité sociétale, mais une majorité de production. Et comme la production est plus radicale, cela nous donne l’illusion de radicalité, et l’effet pervers est que les spectateurs tendent à avoir des opinions également plus radicales.

Le gros souci de la démocratie sur les réseaux sociaux provient donc du fait que la majorité silencieuse n’est pas assez considérée car celle ne produit pas, mais aussi du fait que ses principaux acteurs, les politiques, sont complètement à la rue par rapport à cet outil. Ils délèguent cela comme une basse tâche et n’ont rien compris aux codes, fabriquant davantage du jus de nombril ou de la déclaration tapageuse, que de la valeur ajoutée et de l’information.

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