À la mémoire de notre fille Fanny qui n’est pas sortie vivante du Bataclan, appel aux sans-voix, aux indécis et aux apeurés

Logo Huffington post
À la mémoire de notre fille Fanny qui n’est pas sortie vivante du Bataclan, appel aux sans-voix, aux indécis et aux apeurés
11 décembre 2015

Politique

–Dimanche dernier, ma tristesse a encore augmenté avec en plus une migraine détestable qui m’a vrillé le crâne.
Les cercles fermés du front :
– excluant ceux qui ne voulaient pas penser comme eux
– montant les uns contre les autres pour qu’ils se détruisent
semblent avoir gagné.
Alors, j’appelle :
– ceux qui ne sont pas encore morts,
– ceux qui veulent rester vivants
à ceindre leurs fronts d’un tissu blanc et d’aller voter avec leur âme et leur conscience.

Pour moi, le blanc c’est « la couleur de la trêve » et pendant la trêve, il peut se passer de belles choses. Ce n’est pas rien. Depuis ce 13 novembre, on m’a dit plusieurs fois que, pendant quelques temps, j’avais tous les droits, alors s’il vous plait, je vous demande de diffuser, de placarder, de lire cette lettre le plus largement possible.
Merci.

Merci aussi pour tous vos témoignages de soutien, vos condoléances… qui m’ont rappelé que le plus important c’est de partager les joies et les peines pour qu’elles soient plus douces. C’est un des rares cas où l’abstention peut être remplacée par un regard, une poignée de main.

Pour lire l’article, cliquez sur le logo du Huffington Post

Me prendre une balle ne m’a pas rendu con, pas la peine de le devenir pour moi

Logo Huffington post
Billet écrit et mis en ligne initialement sur Fier Panda. Leur page Facebook.
Écrit par elmomo le

Je fais partie de ceux qui ont eu la malchance d’être au Bataclan le 13 novembre 2015. J’ai été blessé par balle, mon pronostic vital a été engagé. Ne sortez pas vos mouchoirs, je ne suis pas là pour retracer l’histoire de cette horreur. Non. J’ai eu cette chance incroyable de survivre, contrairement à trop d’autres. Malheureusement je ne suis pas sorti de l’auberge, ni de l’hôpital d’ailleurs. C’est de là que je vous écris, dans cette pièce blanche, aseptisée, qui me sert de lieu de vie depuis trop longtemps. Je m’étais promis repos et tranquilité seulement comment rester calme quand j’observe ce qui se trame depuis les attentats ? J’en ai gros.

Restreindre les libertés

Déjà, l’état d’urgence décrété en France, parlons-en. Le gouvernement en profite salement pour museler toute forme de contestation autour de la COP 21 – pas que je sois un grand fan des rastas blancs mais nous sommes censés vivre dans un pays où tout le monde peut se faire entendre, non ? Le surréalisme est encore plus total lorsque le contrôle touche l’accès à Internet avec une volonté d’interdire Tor, les wifis publics et les VPN. Et vas-y que ça place aussi des backdoors dans tous les systèmes de chiffrement. On continue dans l’absurdité de la situation avec un récent sondage à la con révélant que 84% des Français sont prêts à restreindre leurs libertés pour gagner un peu de sécurité.
Putain, NON. Suis-je le seul à préférer courir le risque de me faire mitrailler au détour d’un concert plutôt que de vivre dans un état policier ?

Pas de risque zéro

Soyons sérieux, face au terrorisme, il n’y a pas de recette miracle ni de risque zéro. Nous ne serons jamais complètement à l’abri. L’année 2015 a certes été particulièrement marquante de ce point de vue, mais il faut apprendre à vivre avec, à rester fort. Renoncer à notre liberté ne mettra pas fin à la folie de quelques illuminés.

« Reprenons-nous, respirons un bon coup, réfléchissons ensemble et non les uns contre les autres »

Puis, ce matin, cerise sur le gâteau : les élections régionales. Le Front National est en tête dans six régions et premier au niveau national. Marine Le Pen en Nord-Pas-de-Calais-Picardie et Marion Maréchal-Le Pen en Provence-Alpes-Côte-d’Azur obtiennent plus de 40 % des voix. Que se passe-t-il ? Depuis quand le FN est-il une solution ? Fermer les frontières, armer tous les flics, multiplier leur présence et replier le pays sur lui-même ne va en rien empêcher le terrorisme. OK, je comprends le traumatisme post-attentat. Je suis même plutôt bien placé pour saisir l’impact psychologique d’une telle atrocité. Mais reprenons-nous, respirons un bon coup, réfléchissons ensemble et non les uns contre les autres. Et qu’on ne me ressorte pas le coup du vote contestataire, du “tous pourris sauf” parce que là on est clairement dans une autre dynamique.

La France est sous le choc et agit connement par peur. Alors on va vite se calmer et voter avec sa tête plutôt qu’avec des sentiments exacerbés et passagers. J’aime mon pays et je ne pouvais pas rêver d’un meilleur endroit pour me prendre une balle. N’en faisons pas un pays de cons. Je souhaite ressortir de mon lit d’hôpital avec un moral au top. Pour cela : prenons du recul, pensons, discutons, aimons-nous mais surtout, envoyez-moi une photo de vos nichons.