L’épineuse réinsertion des soldats atteints de stress post-traumatique – ESPT

Soldats ESPT
L’épineuse réinsertion des soldats atteints de stress post-traumatique
26.10.2017
Par Faustine Vincent
Les soldats victimes de cette blessure invisible sont de plus en plus nombreux en France. L’armée s’efforce d’améliorer leur suivi.

Quand Sandra a vu tous les élèves affluer dans la cour du collège, à la rentrée, son cerveau s’est comme déconnecté. Sept cent cinquante enfants ressemblant à des adultes. Autant de silhouettes menaçantes. Ses réflexes d’ancienne soldate sont revenus aussitôt. Elle s’est plaquée dos au mur et a inspecté les toits du regard. En Afghanistan, c’est là que se postaient les talibans avant de faire sauter les mines.
Sa tête bourdonnait, son cœur cognait, la sueur lui coulait dans le dos. Pour résister jusqu’à la fin de la récréation, Sandra a fixé des yeux l’écolier dont elle devait s’occuper. Elle a tenu. Puis, le soir venu, à la maison, elle s’est effondrée.
Voilà neuf ans que cette quadragénaire à la solide carrure, ancienne aide-soignante dans l’armée, est rentrée d’Afghanistan, et deux ans qu’elle a changé de métier en devenant auxiliaire de vie scolaire dans une ville de province. Mais son médecin l’a encore dit début septembre, quand il lui a prescrit deux semaines d’arrêt-maladie : au fond, elle est toujours « là-bas », comme tous les soldats atteints de stress post-traumatique, cette blessure invisible dont on ne guérit jamais vraiment.
Combien sont-ils, ces vivants revenus d’entre les morts ? Officiellement, quelques centaines ; sans doute davantage en réalité. Le médecin en chef Laurent Melchior Martinez, coordonnateur national du service médico-psychologique des armées, dénombrait, au 1er mars, 765 militaires diagnostiqués et suivis en congé longue maladie. A cela s’ajoute une partie – non comptabilisée – des 846 blessés, physiques et psychiques, suivis par l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG).
Ces chiffres sont à prendre avec « grande prudence », admet l’institution militaire, car ils excluent les soldats qui ignorent ou cachent leur état, vécu comme honteux, et ceux qui sont suivis dans le civil. « On se doute qu’on ne les connaît pas tous, notamment…

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La guerre intime d’un ancien soldat atteint de stress post-traumatique

La guerre intime de Claude, ancien soldat atteint de stress post-traumatique
26.10.2017
Par Faustine Vincent
Sur le papier, la réinsertion dans le civil de ce militaire de terrain est une réussite. Avec sa famille, il doit pourtant lutter au quotidien pour ne pas devenir fou.
Il avait d’abord refusé. Puis, après réflexion, Claude* a accepté de parler pour la première fois – et la dernière. Parce qu’il n’a « rien à cacher », mais aussi pour « aider les autres » et « faire avancer les choses ». En ce mardi matin d’octobre, cet ancien soldat de 48 ans revient de son rendez-vous avec sa psychologue. Il s’installe à la table du salon, face à sa femme, bientôt rejoint par leur fille et leur petite-fille. Derrière lui, une kalachnikov en cire orne le mur au-dessus du buffet – un cadeau de sa section lorsqu’il a quitté l’armée.


Illustration de Quentin Hugon. Quentin Hugon / Le Monde
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Le chaos est entré d’un coup dans la maison, perdue au milieu des champs et des bois. « Il buvait beaucoup, faisait la fête, et il était violent, raconte sa femme. La nuit, c’était l’horreur. » Une fois, lors d’un cauchemar, il essaye de l’étrangler. A ce souvenir, Sylvie esquisse un sourire embarrassé. « Après on en avait ri, mais quand vous êtes dedans… Heureusement que mon fils était là. Il est intervenu à chaque fois. »

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Claude est chargé de nettoyer les « tunnels de congélation », trois boyaux de 20 mètres chacun à – 25 °C, dans lesquels passent les légumes frais pour être congelés. Neuf fois par jour, il doit s’engouffrer dedans. Neuf fois par jour, c’est la même lutte face à la sensation d’oppression qui l’étreint, les tempes qui bourdonnent, le champ de vision qui rétrécit. Quand l’éclairage vacille, les images reviennent brutalement : la Yougoslavie, les égouts où il s’abritait pendant que les bombes sifflaient au-dessus de sa tête. « C’était la même configuration : confiné, sombre, humide et froid », souffle Claude. Alors, pour ne pas devenir fou, il a trouvé un subterfuge. Il fait des calculs mentaux. Avec tout et n’importe quoi, tout le temps. Ce qui importe, c’est de « tenir ».
« « On se croit plus fort que la maladie. On croit que ça va passer »
En cinq ans, les arrêts maladie se multiplient. Un nouveau palier est franchi en 2015. Il s’enferme dans l’arrière-cuisine de la maison et fait une tentative de suicide. Son fils défonce la porte. Claude a alors un flash, et se voit en Afghanistan. Il se tourne vers son fils et lui lance : « Je te connais pas, toi, t’es pas de ma section ! » C’est le tournant. Claude est hospitalisé.

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