Stéphanie, rescapée du Bataclan : « Je me suis retrouvée assise au balcon, ça m’a sauvé la vie »

Stéphanie, rescapée du Bataclan : « Je me suis retrouvée assise au balcon, ça m’a sauvé la vie »
16 novembre 2015
Stéphanie était présente vendredi dernier au Bataclan pendant les attentats. Un hasard a fait que contrairement à ses habitudes, elle s’est retrouvée à voir le concert assise, dans un balcon, loin de la scène. Cela lui a sauvé la vie.

« Tu es une miraculée. »

Les larmes aux yeux, le père de Stéphanie étreint sa fille sur le trottoir du boulevard des Filles du calvaire, à quelques centaines de mètres du Bataclan. Il est 2 h 20 et les retrouvailles père-fille sont poignantes. La demoiselle d’une vingtaine d’années sort tout juste de la salle de concert, emmitouflée dans une couverture de survie.
Encore abasourdie, elle fait partie des rares témoins du drame à s’arrêter au niveau du cordon derrière lequel sont confinés les journalistes, à une cinquantaine de mètres d’un restaurant japonais transformé en hôpital de fortune où les secouristes prodiguent les premiers soins.

Barricadés derrière une porte

Posément, la jeune femme à lunettes et aux cheveux bouclés raconte les trois heures de cauchemar qu’elle vient de traverser : « Avec une trentaine de personnes, on a couru quand il y a eu les détonations et nous sommes arrivés dans les loges, où nous nous sommes barricadés. On a bloqué la porte d’accès en la barrant d’un frigo et de meubles, et on a attendu… » Pratiquement trois heures. Autant dire une éternité : « On n’avait pas d’air, c’était irrespirable mais on n’osait pas ouvrir la fenêtre de peur de prendre une grenade. »
Si elle n’a jamais vu les terroristes, la demoiselle les a entendus à plusieurs reprises : « Ils ont frappé à la porte, disant qu’ils avaient des ceintures d’explosifs. Après, on les a entendus négocier avec le Raid. Puis il y a eu la fusillade. On sentait les vibrations. »
Les policiers d’élite mettront fin à son cauchemar : « Au début, on n’a pas voulu leur ouvrir. On ne croyait pas que c’était eux », raconte la jeune femme, qui n’a pas encore réalisé : « On pense que cela n’arrive qu’aux autres, qu’on est dans un mauvais rêve et que ça ira mieux après. » Malheureusement, la réalité l’a rattrapée derrière la porte des loges : « Il y avait des corps par terre et du sang partout. »

Une moulinoise rescapée du Bataclan témoigne : « J’ai eu énormément de chance »

Logo-RF3-AuvergneCéline Pauilhac, Charline Coca
Publié le 16/11/2015
Sophie Reungeot a 30 ans. Elle vit et travaille à Paris et vendredi soir, elle était avec six de ses amis au Bataclan, lorsque la salle de concert a été la cible d’une attaque terroriste. Elle en est sortie indemne mais très choquée. Dimanche matin, elle était de retour parmi les siens, à Moulins.

Un peu plus de 24 heures après l’horreur, Sophie Reungeot retrouve sa famille. Vendredi soir, elle est fatiguée mais elle a réservé cette place pour ce concert depuis juillet… c’est une fan du groupe ! « C’est des choses bonnes enfants, c’est pas du rock violent, c’est du rock’n’roll. «  Elle décide d’aller au Bataclan mais refuse d’assister au spectacle dans la fosse comme à son habitude. Elle préférera un emplacement au balcon… un choix salvateur ! « Le fait d’avoir été là ça nous a sauvé. Ceux qui étaient dans le fond de la salle, je crois qu’ils n’ont même pas compris, je crois qu’ils n’ont pas compris ce qui leur arrivait. Je pense qu’ils ont même du tirer dans le dos des gens… », explique la rescapée.

Quand ça a explosé, c’était d’un coup, c’était comme plein de pétards qu’on lance en même temps, donc ils ont du tirer massivement, dans le tas, sans distinction de rien, sans aucune pitié.

Très vite, Sophie aperçoit deux ou trois terroristes : « Je les ai vu tirer au hasard et là,  je comprends très rapidement dans ma tête… » Quelqu’un dans le public crie : « Couchez-vous, c’est sérieux ! » La jeune femme et ses amis tentent alors de fuir. « L’instinct de survie est plus fort que tout. J’ai pensé immédiatement à mes parents. Je me suis dit : ‘je ne peux pas mourir comme ça’, ‘c’est pas possible de mourir comme ça’, ‘il faut que je sorte' ». Par chance, une porte de secours se trouve juste derrière eux mais dans la panique Sophie met plusieurs secondes à l’ouvrir.

Impossible d’ouvrir cette porte, c’était un cauchemar ! Dans ma tête, je me suis dit : « ils ont bloqué les portes »… Et un mec hurlait : « ouvre », « ouvre cette putain de porte ! » Et à un moment, elle s’est ouverte.

S’en suit la course de sa vie. Les escaliers d’abord qu’elle dévale, les couloirs qui n’en finissent plus et enfin une porte de sortie… quelques mètres plus loin, elle tombe nez à nez avec le groupe de musique qui, lui aussi, a réussi à fuir. « J’avais le groupe qui courait derrière moi, je m’en suis aperçue quand on s’est arrêté à la station de métro. J’ai croisé le chanteur du regard, on a du être le miroir l’un de l’autre, il était terrifié (…) Cette tête, je ne l’oublierais jamais ! Et ils se sont engouffré dans un taxi et ils sont partis sur les chapeaux de roue », décrit la jeune femme.

Daesh ne m’est pas venu en tête mais Charlie Hebdo m’est venu en tête immédiatement. On se dit : mais pourquoi ? On est en train de regarder un concert, ça n’a pas de sens ! On était là en train de s’amuser il y a deux secondes… C’est irréel. Mais on comprend vite que c’est très grave, que vus leurs gestes, ils sont entraînés, ils sont déterminés. Et ça c’est glaçant !

Sophie retrouvera un ami qui l’emmènera loin de ce carnage… « J’ai eu beaucoup de chance, énormément de chance. Je ne suis pas blessée, je n’ai rien vu de traumatisant, j’ai été préservée dans cette horreur », confie-t-elle. Tout en reconnaissant : « Je ne vais plus être comme avant ». Ses parents, eux, n’ont pas réalisé tout de suite ce qui se passait. « C’est sur le matin, quand j’ai réalisé qu’elle aurait pu mourir, là ça chauffait un peu », sanglote le père. « Tout ce qui me revenait c’est qu’elle était là, elle était vivante, j’avais ma fille ! », sourit la mère.

Aujourd’hui, la vie reprend son cours, Sophie, ses esprits… « Je n’ai pas de colère pour l’instant, pas de haine… J’ai juste très peur de cet avenir très incertain. Mais j’ai une foi inébranlable en la vie », déclare la Parisienne d’adoption, qui souhaite retourner au travail dès mardi matin. En revanche, elle se sent incapable de se rendre à un concert prévu au Zénith de Paris la semaine prochaine.

Une Moulinoise rescapée de l’attentat du Bataclan
Intervenants : Sophie Reungeot (rescapée du Bataclan), Alain Reungeot (père de Sophie), Luce Reungeot (mère de Sophie).