Art-thérapie à Montréal : Les Impatients

Logo-Les-impatients2 octobre 2015 dans Canada, Journal
Les concepteurs des ateliers « Les Impatients » ont d’entrée de jeu, dans les années 1990, choisi une approche qui s’est rapidement démarquée de l’art-thérapie pratiquée à l’époque dans les institutions psychiatriques québécoises.
« La présence d’artistes professionnels comme animateurs dans les ateliers, les expositions présentées au grand public ont vite créé des remous dans le milieu de l’art-thérapie. Une volonté de pratique différente ouverte davantage sur le rôle de l’art comme moyen d’expression, de source de plaisir, d’affirmation de soi en dehors du contexte de la maladie a été mise en avant. » Sur le plan artistique, « c’est dans la foulée de la collection de l’Art Brut de Lausanne que la collection des œuvres produites en atelier s’est d’abord constituée. »
Les débuts ont été difficiles : le premier atelier « Les Impatients » existait depuis 1989 dans une salle anonyme de l’Hôpital LH Lafontaine (actuellement IUSMM, Institut Universitaire en Santé Mentale de Montréal). Il était plutôt ignoré d’un milieu médical peu intéressé. Cette situation a duré jusqu’à ce qu’à partir de 1992, une nouvelle instance, « la Fondation pour l’art thérapeutique et l’art brut du Québec », se mette en place de pair avec une nouvelle direction. Cette fondation acquiert alors un local hors les murs de l’hôpital LH Lafontaine qui met en contact une moyenne de 80 patients et anciens patients par semaine avec diverses autres personnes qui fréquentent les lieux et offre aux passants une vitrine insolite. C’est à cette époque qu’un psychiatre du nom de Pierre Migneault s’est intéressé à cet atelier et a déclaré à propos de ces personnes malades mentales : « Le seul fait de s’exprimer leur permet de quitter cet univers de l’inaccessible où elles se sont réfugiées et de se joindre à la communauté dite normale.
À partir de l’an 2000, la Fondation choisit l’appellation « Les Impatients » et dispose de plusieurs espaces dont ceux de la rue Sherbrooke.
Le Dr Pierre Migneault participe, le 19 septembre 2015 au dernier étage du pavillon Bédard de l’IUSMM, à la réunion fondatrice de Psy Cause Canada. Il propose à tous, à la fin des travaux, de descendre dans un lieu historique et quelque peu oublié dans les sous sols. C’est, nous dit-il, une visite qui s’impose pour la naissance de la section canadienne de Psy Cause International. Nous nous retrouvons ainsi devant la grande fresque et le chemin de croix de la chapelle de l’IUSMM réalisés par l’atelier des Impatients, il y a plus d’une vingtaine d’années.

03-Murale_II_Diane_Lenoir-(2)La signature de la grande fresque laisse entendre qu’elle a été peinte par Diane Lenoir en 1992, l’année où la Fondation a pris les choses en mains. Peut-on y voir le cheminement d’une longue cohorte des fous vers une terre promise ? Une métaphore du Nil, de Moïse et de la traversée du désert, voire du baptême et des apôtres qui vont enseigner les nations ? Paradigme de l’art-thérapeute qui prépare ses patients à la rencontre du monde ?
Le Dr Pierre Migneault a également attiré notre attention sur le chemin de croix de la chapelle réalisé, lui aussi, dans le cadre de l’atelier des Impatients. Les stations sont peintes et commentées. L’une d’entre elles (la quatorzième) pourrait être une source d’inspiration pour les fondateurs de Psy Cause Canada. La mise au tombeau dans l’attente de la résurrection insuffle une espérance qui pourrait être une métaphore de l’action à entreprendre après les deux années de gestation depuis notre congrès d’Ottawa en octobre 2013 : accompagner une nouvelle ère de la psychiatrie ? Accompagner, selon les termes de la Dr Suzanne Lamarre, co-coordonatrice de Psy Cause Canada, les mouvements du rétablissement et de la valeur ajoutée au patient ?
Des membres de la délégation de Psy Cause venue de France prolongent cette découverte des Impatients par une visite de leur galerie d’exposition au 100 rue Sherbrooke Est. Aujourd’hui, l’institution Les Impatients a fait du chemin. Elle est devenue, avec l’appui de l’Université de Montréal, en particulier du Pr Emmanuel Stip, et de la Dr Suzanne Lamarre, un vaste ensemble. Une recherche, effectuée dans les ateliers des Impatients et publiée en 2014, suggère que « les programmes d’art favorisent le rétablissement ; ils agissent à la fois sur la personne et la société, réduisent le stigma relié à la maladie mentale et favorisent l’augmentation de l’incursion sociale, du soutien social et de l’empowerment des participants. »
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Art-thérapie à Montréal

Logo France InfoPar Emmanuel Langlois
Dimanche 9 novembre 2014

Partie à 20 ans au Québec sur un coup de tête, la Française Annabelle Petit y monte aujourd’hui des projets artistiques avec des handicapés mentaux.

Rien qu’un petit grain de sable. La jeune femme n’oubliera pas ce soir de février 2004 où elle venait de manquer son bus à l’Université de Bordeaux 3. « En attendant le suivant, je suis tombée, par hasard, sur une annonce pour aller étudier au Québec, se souvient-elle. A part Céline Dion, les caribous et le sirop d’érable, je n’avais aucune idée de ce qui pouvait m’attendre là-bas ! »

« Mon expressivité a explosé »

Plutôt que Montréal, Annabelle Petit, brunette pétillante, s’envole quelques mois plus tard pour Trois-Rivières, certes la troisième ville du Québec, mais rien d’autre qu’une grosse bourgade sur les rives du Saint-Laurent. « J’avais envie d’espace, mais cet endroit m’a d’abord fait peur par sa petitesse et son manque de diversité » confesse la jeune femme, qui y termine pourtant brillamment sa 3e année de licence en arts visuels. « En France, j’en avais assez de la théorie. Ici, mon expressivité a explosé : j’ai soufflé du verre, réalisé des sculptures en latex, tronçonné le bois ou testé la résine et la soudure. J’ai donné des choses de moi. »

Chaque année, un média différent

Son exposition de fin d’études décroche même le prix « Silex », qui l’autorise à rester vivre sur le sol québécois. Des projets artistiques adaptés mais Annabelle commence à étouffer à Trois-Rivières. Deux ans plus tard, elle débarque à Montréal. La Française est aujourd’hui employée par l’association les « Compagnons de Montréal » pour monter avec des handicapés mentaux des projets artistiques. « Chaque année, on choisit un média différent, comme la photo numérique ou la mosaïque. On invite un artiste extérieur à venir travailler avec la communauté. Ensuite, l’expo se balade dans toute la ville. »

« Toujours être là pour les aider »

Annabelle reconnaît qu’elle a toujours été attirée par l’art-thérapie. Et qu’importe si ce public particulier réclame à l’équipe une énergie de tous les instants. « Ce ne sont pas des gens qui se lèvent le matin en se disant : « Génial, je vais monter un projet artistique ! » D’eux-mêmes, ils n’auraient pas les capacités intellectuelles pour ça. Il faut toujours être là pour les aider à avancer, les motiver et monter les vernissages. »  Annabelle vit à Rosemont, l’un des quartiers les plus vivants de Montréal, à un quart d’heure à pied de son travail. Quant au virus de l’expatriation, elle l’a transmis jusqu’à sa famille : peu après son départ pour le Québec, son frère cadet est parti lui s’installer à Barcelone, où il a monté un atelier de microsoudure.

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