L’art-thérapie pour aider un enfant colombien de 6 ans à surmonter ses cauchemars

Par Gisèle Nyembwe à Montréal, au Canada
10 octobre 2016
Le conflit en Colombie a causé la mort de la grand-mère de Miguel* et a poussé sa famille à fuir en exil. Miguel suit désormais une thérapie à Montréal pour l’aider à vaincre sa peur et son anxiété.
MONTREAL, Canada – Un épouvantail hante les cauchemars récurrents de Miguel*, six ans, qui est né et a passé ses premières années dans une région ravagée par le conflit, en Colombie.

Il a été réinstallé au Canada avec sa famille. Aujourd’hui, il fabrique une cage en pâte à modeler lors d’une séance d’art-thérapie. Avec des clous en Play-Doh délicatement placés sur la cage, il y contient le « méchant », comme l’explique sa thérapeute.
« Les points visibles sur la structure en Play-Doh symbolisent les clous afin que le méchant ne s’échappe pas et reste à l’intérieur », explique Julia* qui dirige les séances hebdomadaires d’une heure.
La grand-mère de Miguel a été tuée par des combattants rebelles durant la guerre civile en Colombie ayant duré 52 années. Ce conflit a déraciné sept millions de personnes dans le pays. Par ailleurs, des centaines de milliers d’autres, comme Miguel et sa mère et ses deux frères, ont fui en exil.

« Les problèmes de santé mentale peuvent être un concept abstrait pour les personnes qui ne sont pas en contact direct avec les réfugiés. »

Cette histoire imaginaire se déroule en lieu sûr dans une pièce claire et calme au sein d’une organisation à but non lucratif à Montréal. Le scénario a été créé par le garçon pour vaincre sa peur et son anxiété qui l’ont déjà suivi tout au long de sa courte vie. Dans cette activité, son thérapeute explique que c’est lui qui détient le pouvoir et qui assure que le méchant ne sera pas le plus fort.

On compte un nombre sans précédent de 65,3 millions de personnes déracinées à travers le monde par la violence et la persécution. Bien qu’il n’y ait pas de statistiques officielles concernant le nombre de personnes affectées par un traumatisme psychologique, on sait que les réfugiés et les demandeurs d’asile au Canada et dans le monde ont subi des événements traumatisants, incluant la guerre, la torture, la violence, la persécution ciblée, le travail forcé et la séparation familiale.
Selon les recherches, ces événements traumatisants peuvent pousser les réfugiés à développer des problèmes de santé mentale comme la dépression et l’anxiété, les troubles du comportement et des maladies causées par le traumatisme, y compris le syndrome de stress post-traumatique. Certains, comme Miguel, reçoivent un soutien psychologique.
Les symptômes psychologiques de l’enfant ont commencé à se manifester quand il avait deux ans, explique sa mère, Maria*. A l’époque, elle et ses trois fils vivaient à Nariño dans le sud-est de la Colombie, une zone affectée par le conflit – qui est actuellement suspendu par un cessez-le-feu alors que les rebelles et le gouvernement cherchent un accord de paix.
Quand Maria était enceinte de Miguel, sa propre mère a été tuée par des rebelles, ce qui lui a causé une très grande charge émotionnelle. La violence des rebelles a forcé la famille à fuir vers l’Equateur voisin, peu avant que Miguel ait trois ans, ce qui s’est encore ajouté à sa détresse.
« Son comportement est devenu imprévisible au fur et à mesure qu’il grandissait. Je savais que nous devions faire quelque chose. Il s’auto-mutilait et il avait des explosions violentes de colère sans raison apparente », se souvient Maria. « Il avait peur et il était tout le temps inquiet. Il ne pouvait pas être entouré d’autres personnes, ni jouer avec d’autres enfants de son âge. »
Maria a décidé de demander de l’aide à Quito, la capitale équatorienne, mais le soutien psycho-social était en pénurie. Lorsque la famille a été réinstallée au Canada en 2014, un diagnostic de troubles psychosomatiques liés à des traumatismes a été rendu et Miguel a pu obtenir l’aide dont il avait besoin pendant les visites à RIVO, une organisation à but non lucratif basée à Montréal, qui fournit l’aide d’experts à des réfugiés qui subissent les conséquences de la violence.
A RIVO, Miguel peut dessiner, faire de l’artisanat, jouer avec de la pâte à modeler et bénéficier d’un soutien avec son thérapeute qui l’aide à surmonter ses craintes.
« Les problèmes de santé mentale peuvent être un concept abstrait pour les personnes qui ne sont pas en contact direct avec les réfugiés souffrant de problèmes psychologiques », explique Véronique Harvey, porte-parole de RIVO et elle-même thérapeute.

« Il est important d’accroître la sensibilisation aux blessures émotionnelles de manière à les rendre visibles aux yeux du grand public et des gouvernements. »

« Voilà pourquoi il est si important d’accroître la sensibilisation aux blessures émotionnelles de manière à les rendre visibles aux yeux du grand public et des gouvernements. Parfois on ne comprend pas ce qu’ont vécu des personnes souffrant d’une maladie mentale, mais nous avons besoin de les écouter, de les soutenir et de les aider à reconstruire leur identité et leur estime de soi », ajoute-t-elle.
Le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, tient en compte les problèmes de santé mentale et intègre le soutien psychologique dans le cadre de son mandat en matière de protection. Il vise à intégrer une aide psychologique de base dans ses programmes. Idéalement, un soutien psychologique pour les enfants comme Manuel devrait déjà commencer dans les pays de premier refuge.
La thérapie qu’il reçoit à Montréal vise à ce que Miguel puisse a la fois faire face à ses sentiments angoissants et mieux les surmonter. En plus de mieux gérer sa peur grâce au travail avec la pâte à modeler, le dessin lui permet de gérer ses sentiments d’isolement et de colère ainsi que de faire le lien entre son comportement et ses interactions avec les autres.
Dans un premier temps, Miguel était réticent à participer aux séances de thérapie, qui durent désormais depuis neuf mois. En tant que premier résultat de ce soutien psychologique, il craint que l’activité touche à sa fin. Il a pris l’habitude de travailler avec son thérapeute, Julia, et se sent en sécurité avec elle.
« Je suis en train de lui expliquer que cela ne dépend pas de moi », explique Maria, sa mère, qui se rend également compte des bienfaits de ce traitement. « Je lui dis sans cesse que nous allons vérifier avec Julia ses projets pour mettre fin à la thérapie. »
* Noms fictifs pour des raisons de protection.

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Livre – Le partage du traumatisme – Contre-transferts avec les patients traumatisés


Le partage du traumatisme – Contre-transferts avec les patients traumatisés
Christian Lachal
Date de parution : 06/04/2006
Editeur : La Pensée Sauvage
Collection : Trauma
ISBN : 2-85919-217-4
EAN : 9782859192174
Présentation : Broché
Nb. de pages : 125 pages
Poids : 0.17 Kg
Dimensions : 14,0 cm × 21,5 cm × 1,3 cm


Résumé
Comment soigner les patients traumatisés et plus particulièrement les mères et les bébés traumatisés ?
Comment les thérapeutes en sont-ils affectés ?
Cet ouvrage, préfacé par Marie Rose Moro, est issu de l’expérience partagée des chercheurs et cliniciens qui travaillent quotidiennement avec des patients confrontés à des traumatismes psychiques, en France et sur le terrain humanitaire.
Christian Lachal, pédopsychiatre et psychanalyste, consultant à Médecins Sans Frontières, propose une nouvelle approche du concept de contre-transfert, à partir du constat que quelque chose se transmet entre patients traumatisés et thérapeutes quand ils se rencontrent, mais aussi entre les mères traumatisées et leurs bébés.
Ce que ressentent les thérapeutes, ce qu’ils vivent pendant ces entretiens, ce qu’ils imaginent et ce qu’ils créent sont des modalités de réaction à ce qui leur est transmis du traumatisme. Ils peuvent s’en servir d’outils pour se forger une armure qui les protègent de l’intensité de ce qui est transmis ou au contraire les utiliser pour mieux comprendre leurs patients.
L’auteur appuie ici son analyse clinique sur les connaissances actuelles concernant le développement des bébés, et sur le concept de contre-transfert, qu’il expose et analyse dans cette situation particulière. Ceux qui s’occupent de patients traumatisés ont souvent tendance à chercher des recettes simples.
Cet ouvrage n’a pas pour but de compliquer les choses mais de comprendre pourquoi et comment le traumatisme se transmet. Au-delà des thérapeutes, ce sont tous ceux qui rencontrent des personnes traumatisées qui sont concernés.
Ils trouveront dans ce livre des clefs pour mieux comprendre ces personnes et utiliser leurs propres réactions pour les aider. Car l’homme porte en lui à la fois ce qui défait et ce qui peut reconstruire son identité et ses liens à l' »espèce humaine », selon la belle expression de Robert Antelme.

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