Des enfants syriens tentent de se libérer de leurs traumatismes grâce au dessin

Dessin d'enfant
10|12 – Des gens sans bras ou sans jambes. Des gens avec la tête coupée. Des gens qui fuient pour sauver leur vie… C’est ainsi que Rema (9) représente ses souvenirs.
Photo: SOS-Kinderdor
(pac/daw/jk)
06 novembre 2019
Victimes de la guerre, des enfants syriens tentent de se libérer de leurs traumatismes grâce au dessin. Cela fait froid dans le dos. Puis chaud au coeur.
La Syrie est en guerre depuis 2011. Et au vu de la situation actuelle, la paix n’est pas prêt de régner. Nul besoin d’être psychologue pour se rendre compte des conséquences désastreuses que peuvent engendrer les conflits armés sur le psyché d’un individu. Encore plus sur les plus jeunes. Car, comme dans toute guerre, les enfants sont les premières victimes. Ils sont contraints de traverser, endurer et regarder des choses auxquelles aucun être humain ne devrait être confronté dans le cadre du développement d’un individu.

L’art-thérapie

Pour tenter de diminuer ces traumatismes, l’association SOS Villages d’Enfants oeuvrant dans la capitale syrienne, mise sur l’art-thérapie. Cette dernière se base sur le dessin comme moyen d’expression. Permettre aux enfants de libérer leur imaginaire par le biais du stylo dans l’optique de faire face à l’horreur de la guerre et leur permettre d’exprimer autre chose que les horreurs qu’ils ont vécues.
Azzam, par exemple, a perdu son frère et sa mère à cause de la guerre. Le garçon de 10 ans tente d’oublier grâce au dessin. Au début, ses esquisses représentaient encore et encore son frère décédé, des maisons bombardées, des voitures brûlées. Les oeuvres de Nada (11 ans), Rema (9 ans) et Baraa (8) ne sont pas moins bouleversantes.

« Ce sont des images très fortes, touchantes, illustrant le désespoir, les violences et les peurs que vivent au quotidien ces petits, raconte Irena Degunda, art-thérapeute. Il faut qu’ils parviennent à exprimer leurs traumatisantes expériences de vie »

pour en souffrir le moins possible.

Des lueurs d’espoir

Cette thérapie est en train de porter ses fruits. Petit à petit, les enfants dessinent à nouveau des images teintées d’espoir. Azzam rêve de devenir ingénieur. Il se dessine à présent avec des ouvriers du bâtiment, en train de reconstruire les maisons détruites à Alep.
De telles esquisses montrent l’utilité de cette thérapie. « Cela montre à quel point notre travail peut être bénéfique. Les enfants, dont certains ne connaissent que la guerre et la destruction, peuvent se confier à leurs éducateurs et parler du passé. », témoigne Derya Kilic responsable de SOS Villages d’Enfants en Suisse.
« Le but de notre travail est d’offrir aux enfants un avenir dans lequel ils pourront s’épanouir. Je suis infiniment reconnaissant à tous ceux qui soutiennent ce processus thérapeutique », conclut Dery Kilic.

Pour joindre l’article, cliquez sur le dessin

L’art-thérapie pour aider un enfant colombien de 6 ans à surmonter ses cauchemars

Maria* et son fils Miguel* jouent ensemble au centre de résilience RIVO à Montréal.
© HCR/Giovanni Capriotti

L’art-thérapie pour aider un enfant colombien de 6 ans à surmonter ses cauchemars

10 octobre 2016
Par Gisèle Nyembwe à Montréal, au Canada
Le conflit en Colombie a causé la mort de la grand-mère de Miguel* et a poussé sa famille à fuir en exil. Miguel suit désormais une thérapie à Montréal pour l’aider à vaincre sa peur et son anxiété.
MONTREAL, Canada – Un épouvantail hante les cauchemars récurrents de Miguel*, six ans, qui est né et a passé ses premières années dans une région ravagée par le conflit, en Colombie.
Il a été réinstallé au Canada avec sa famille. Aujourd’hui, il fabrique une cage en pâte à modeler lors d’une séance d’art-thérapie. Avec des clous en Play-Doh délicatement placés sur la cage, il y contient le « méchant », comme l’explique sa thérapeute.
« Les points visibles sur la structure en Play-Doh symbolisent les clous afin que le méchant ne s’échappe pas et reste à l’intérieur », explique Julia* qui dirige les séances hebdomadaires d’une heure.
La grand-mère de Miguel a été tuée par des combattants rebelles durant la guerre civile en Colombie ayant duré 52 années. Ce conflit a déraciné sept millions de personnes dans le pays. Par ailleurs, des centaines de milliers d’autres, comme Miguel et sa mère et ses deux frères, ont fui en exil.

« Les problèmes de santé mentale peuvent être un concept abstrait pour les personnes qui ne sont pas en contact direct avec les réfugiés. »

Cette histoire imaginaire se déroule en lieu sûr dans une pièce claire et calme au sein d’une organisation à but non lucratif à Montréal. Le scénario a été créé par le garçon pour vaincre sa peur et son anxiété qui l’ont déjà suivi tout au long de sa courte vie. Dans cette activité, son thérapeute explique que c’est lui qui détient le pouvoir et qui assure que le méchant ne sera pas le plus fort.
On compte un nombre sans précédent de 65,3 millions de personnes déracinées à travers le monde par la violence et la persécution. Bien qu’il n’y ait pas de statistiques officielles concernant le nombre de personnes affectées par un traumatisme psychologique, on sait que les réfugiés et les demandeurs d’asile au Canada et dans le monde ont subi des événements traumatisants, incluant la guerre, la torture, la violence, la persécution ciblée, le travail forcé et la séparation familiale.
Selon les recherches, ces événements traumatisants peuvent pousser les réfugiés à développer des problèmes de santé mentale comme la dépression et l’anxiété, les troubles du comportement et des maladies causées par le traumatisme, y compris le syndrome de stress post-traumatique. Certains, comme Miguel, reçoivent un soutien psychologique.
Les symptômes psychologiques de l’enfant ont commencé à se manifester quand il avait deux ans, explique sa mère, Maria*. A l’époque, elle et ses trois fils vivaient à Nariño dans le sud-est de la Colombie, une zone affectée par le conflit – qui est actuellement suspendu par un cessez-le-feu alors que les rebelles et le gouvernement cherchent un accord de paix.
Quand Maria était enceinte de Miguel, sa propre mère a été tuée par des rebelles, ce qui lui a causé une très grande charge émotionnelle. La violence des rebelles a forcé la famille à fuir vers l’Équateur voisin, peu avant que Miguel ait trois ans, ce qui s’est encore ajouté à sa détresse.

« Son comportement est devenu imprévisible au fur et à mesure qu’il grandissait. Je savais que nous devions faire quelque chose. Il s’auto-mutilait et il avait des explosions violentes de colère sans raison apparente », se souvient Maria. « Il avait peur et il était tout le temps inquiet. Il ne pouvait pas être entouré d’autres personnes, ni jouer avec d’autres enfants de son âge. »

Maria a décidé de demander de l’aide à Quito, la capitale équatorienne, mais le soutien psycho-social était en pénurie. Lorsque la famille a été réinstallée au Canada en 2014, un diagnostic de troubles psychosomatiques liés à des traumatismes a été rendu et Miguel a pu obtenir l’aide dont il avait besoin pendant les visites à RIVO, une organisation à but non lucratif basée à Montréal, qui fournit l’aide d’experts à des réfugiés qui subissent les conséquences de la violence.
A RIVO, Miguel peut dessiner, faire de l’artisanat, jouer avec de la pâte à modeler et bénéficier d’un soutien avec son thérapeute qui l’aide à surmonter ses craintes.
« Les problèmes de santé mentale peuvent être un concept abstrait pour les personnes qui ne sont pas en contact direct avec les réfugiés souffrant de problèmes psychologiques », explique Véronique Harvey, porte-parole de RIVO et elle-même thérapeute.

« Il est important d’accroître la sensibilisation aux blessures émotionnelles de manière à les rendre visibles aux yeux du grand public et des gouvernements. »

« Voilà pourquoi il est si important d’accroître la sensibilisation aux blessures émotionnelles de manière à les rendre visibles aux yeux du grand public et des gouvernements. Parfois on ne comprend pas ce qu’ont vécu des personnes souffrant d’une maladie mentale, mais nous avons besoin de les écouter, de les soutenir et de les aider à reconstruire leur identité et leur estime de soi », ajoute-t-elle.
Le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, tient en compte les problèmes de santé mentale et intègre le soutien psychologique dans le cadre de son mandat en matière de protection. Il vise à intégrer une aide psychologique de base dans ses programmes. Idéalement, un soutien psychologique pour les enfants comme Manuel devrait déjà commencer dans les pays de premier refuge.
La thérapie qu’il reçoit à Montréal vise à ce que Miguel puisse a la fois faire face à ses sentiments angoissants et mieux les surmonter. En plus de mieux gérer sa peur grâce au travail avec la pâte à modeler, le dessin lui permet de gérer ses sentiments d’isolement et de colère ainsi que de faire le lien entre son comportement et ses interactions avec les autres.
Dans un premier temps, Miguel était réticent à participer aux séances de thérapie, qui durent désormais depuis neuf mois. En tant que premier résultat de ce soutien psychologique, il craint que l’activité touche à sa fin. Il a pris l’habitude de travailler avec son thérapeute, Julia, et se sent en sécurité avec elle.

« Je suis en train de lui expliquer que cela ne dépend pas de moi », explique Maria, sa mère, qui se rend également compte des bienfaits de ce traitement. « Je lui dis sans cesse que nous allons vérifier avec Julia ses projets pour mettre fin à la thérapie. »

* Noms fictifs pour des raisons de protection.

Pour joindre l’article, cliquez sur l’image