Chronique d’un Burn-Out : le témoignage d’Edouard

Chronique d’un Burn-Out : le témoignage d’Edouard
par Catherine Borie
Fév 5, 2018
Je suis particulièrement émue de publier le témoignage d’aujourd’hui.
J’aurai pu croiser Édouard dans ma précédente vie professionnelle mais nous n’avons jamais eu la chance de travailler ensemble. Pour moi, il compte parmi les « grands messieurs » de la publicité : un professionnel brillant et charismatique du milieu.
Quelques années après mon burn-out et ma reconversion, j’ai entendu parler de son histoire. Édouard avait craqué… Je me suis vraiment sentie triste pour lui sans pourtant le connaître. Oui, les dirigeants peuvent tomber aussi !
Et puis j’ai suivi son parcours et sa remontée brillante : changement de boîte puis création de sa propre agence de publicité : aujourd’hui, un homme accompli et serein. 
Je voulais partager avec vous son histoire inspirante. Pour celles et ceux qui doutent encore : il y a bien un après burn-out et on peut s’en sortir grandi tout en restant dans le même milieu professionnel. Les moments de faiblesse peuvent aussi être des forces. Bonne lecture !

Catherine B. : Bonjour Édouard
Édouard : Bonjour Catherine
C.B : Édouard, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? Quel âge avez-vous et quelle est votre profession ?

E. : J’ai 52 ans, célibataire, sans enfant (mais en couple depuis 4 ans avec « Lucien le chien » -rires) et je suis le co-fondateur de l’agence de publicité « ALTMANN+PACREAU », créée en septembre 2014.

C.B : Vous avez fait un Burn-Out il y a quelques années, alors que vous étiez déjà à un poste de direction… Pouvez-vous nous expliquer comment cela s’est produit ?

E. : Cela vous surprendra peut-être mais je ne suis pas à l’aise avec ce terme de burn-out derrière lequel se cachent de trop nombreuses interprétations qui vont de la simple déprime passagère à la grave dépression.
En plus, je trouve ce terme beaucoup trop connoté « travail », or la dépression si elle peut évidemment naître ou éclater au travail est bien souvent la combinaison d’un mal-être bien plus global et ancien.
Me concernant et comme l’a défini le psychiatre qui très certainement m’a sauvé la vie, je parlerai plutôt « d’une grosse dépression d’usure » qui avait commencé à s’installer en moi il y a au moins 20 ans, d’abord de façon insidieuse puis carrément à l’air libre il y a environ 8 ans dans le cadre de mon travail alors que j’occupais un poste de direction générale dans une célèbre agence française.

C.B : Quelle a été la réaction de votre entourage ? Et de celle de vos équipes au travail ? Vous êtes-vous senti soutenu et compris ?

E. : Ayant malheureusement perdu mes parents (des drames qui évidemment ont joué dans ma dépression, vous savez le célèbre « Je n’ai pas fait mon deuil »), il m’a tout d’abord été impossible d’en parler autour de moi (il faut déjà être capable de mettre des mots sur ses maux) mais quand les choses se sont aggravées et surtout ont commencé à se voir (l’alcool n’est jamais loin du dépressif), et bien j’ai eu la chance, d’abord au travail, d’avoir une « garde rapprochée » absolument exceptionnelle qui a accepté mes humeurs terribles, mes absences… et puis bien sûr mes amis vraiment les plus proches. Mais vous savez, leur position reste inconfortable. Il ne faut jamais les juger ou leur reprocher de ne pas être intervenus. Les plus proches sont là, si jamais, et c’est déjà essentiel.

C.B : Qu’est-ce qui a été le plus difficile pour vous durant cette période ?

E. : Me regarder dans la glace, au sens propre et figuré. Un dépressif se déteste avant de ne plus aimer les autres…. Il s’oublie, sa propre image ne l’intéresse plus… Petit à petit, un processus d’auto-destruction s’installe.

C.B : Quelles ont été les étapes de votre reconstruction ?

E. : Un soir, ivre, hurlant et me frappant littéralement, j’ai soudain regardé ma fenêtre en me posant une question toute simple. Veux-tu mourir à petit feu ou tout de suite ? Mais c’est une autre réponse qui s’est imposée à moi… Je voulais vivre et redevenir heureux.

Après, tu te décides enfin à voir un psychiatre qui t’envoie immédiatement dans une clinique. Et là enfin, une grosse larme coule sur ta joue et tu acceptes son verdict car tu veux enfin « lâcher prise ».
Alors bien sûr, il faut retourner le lendemain à l’agence, d’abord pour l’annoncer à ton équipe qui avait été tellement formidable et puis, ça se fait, à ton boss, qui n’avait pas le temps sur le moment et m’a proposé de prendre rendez-vous avec son assistante.
Bien sûr, je n’ai pas demandé audience et je suis parti de l’agence.
Je devais « intégrer » la clinique à 15h.
Le tout dernier pastis pris en déjeunant (rires) et hop, dans un taxi club affaires payé par l’agence (rires) avec ta meilleure amie, direction la clinique pour une durée totalement indéterminée, je le savais.
Arrivé dans ma chambre, l’infirmier me donne un petit comprimé et je me souviens lui avoir dit avant de m’endormir : « je suis maintenant entre vos mains, je vais pouvoir lâcher prise ».
S’en suivirent 3 mois de soins et de gentillesse grâce à un formidable psychiatre et une attentive équipe médicale.
Petit à petit, je reprenais soin de moi, je passais des heures dans mon bain, je mettais de l’anti-cernes, bref je redevenais gentil avec moi-même.
Cela n’a pas toujours été facile mais ils m’ont reconstruit petit à petit.
Deux mois de convalescence en Vendée plus tard à me promener et jardiner, il faut retourner à l’agence, un retour dont je préfère ne pas parler tant il fut assez médiocre finalement à une exception près. Bref…
J’allais oublier une chose très importante pour se reconstruire, l’aide de tes amis, leurs visites ou leurs simples coups de fil durant ton hospitalisation. C’est d’ailleurs à cet instant que j’ai découvert un « mec super bien » qui croyait encore en moi malgré mon « état », Olivier Altmann.

C.B : Comment cela s’est passé votre retour dans le monde du travail ?

E. : Un peu chaotique mais qui fut aussi un véritable gisement d’énergie positive, je reprenais la gnaque et je ne me laissais plus faire ; je décidais à nouveau de mon destin.
D’abord deux expériences : un miroir aux alouettes dans une très belle agence qui avait juste oublié de me dire toute la vérité sur son avenir.
Puis trois mois dans une autre agence dont je remercie le président de m’avoir offert le 2ème épisode professionnel dont j’avais besoin avant de préparer sereinement la construction de notre agence avec Olivier. Une histoire juste formidable depuis 3 ans et demie.
Sans oublier bien sûr l’arrivée de Lucien dans ma vie. Avec lui ce n’est que du bonheur et du bonheur.

C.B : Edouard, votre histoire est très inspirante puisqu’elle montre que l’on peut faire un burn-out et poursuivre une carrière professionnelle brillante. Le burn-out a-t-il changé votre rapport au travail aujourd’hui ?

E. : Je le crois oui. J’aime encore plus mon métier qu’avant, avoir créé une agence, avoir été choisi par l’un des meilleurs créatifs dans le monde, vous n’imaginez pas à quel point ça vous redonne foi en vous.
Simplement, je sais me protéger maintenant et je me connais mieux.
Et puis au-delà de « sortir » de belles stratégies et de bonnes campagnes, « s’occuper » au quotidien de plus de 30 personnes, les manager, c’est canon… vous créez une agence à votre image et celle de votre partenaire, le pied, donc beaucoup de bonheur.

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Aude Selly : « Mon burn-out a failli me tuer »

20/05/2014
Margaux Rambert
Journaliste
Chef des rubriques Travail, Couple, Culture et Les animaux et nous
@MargauxRambert
A seulement 30 ans, Aude, gestionnaire des ressources humaines dans une grande société, a fait un burn-out sévère suivi d’une tentative de suicide. Comment cette employée passionnée, dévouée et ambitieuse, a-t-elle pu en arriver là ? Récit d’une descente aux enfers et d’une lente reconstruction.
« ‘Je ne veux pas y aller. Je n’y arriverai jamais’. Un jour, dans le train pour me rendre au travail, je me suis sentie très mal. Terriblement angoissée. Je me suis mise à pleurer sans pouvoir m’arrêter. Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. Comme toujours, j’étais stressée à l’idée d’aller au boulot mais là, c’était incontrôlable. Quand je suis descendue du train, j’étais tétanisée. Incapable de mettre un pied devant l’autre.

« Vous faites un début de burn-out », m’a dit mon médecin. Bien que travaillant dans les ressources humaines, je n’avais jamais entendu parler de ce syndrome d’épuisement professionnel. J’étais très fatiguée, voilà tout. « Si vous continuez comme ça, vous allez craquer ». J’ai accepté d’être arrêtée, mais seulement quinze jours, pensant déjà à tous les dossiers qui allaient s’accumuler en mon absence.

Neuf mois après, j’ai fait un vrai burn-out et une tentative de suicide.

« C’était le poste idéal »

Ce poste de gestionnaire des ressources humaines, obtenu trois ans auparavant, était celui dont je rêvais depuis dix ans. Le poste idéal. J’étais très motivée, fière. Ambitieuse, aussi. Je voulais être la meilleure possible. J’adorais mon travail. Pour moi, il consistait à faire en sorte que les gens se sentent bien pour qu’ils soient les plus performants possibles.

Dès le début, j’ai été sous pression. J’ai commencé un 12 novembre, la paye était le 30. Avec, à ma disposition, un outil obsolète. En quinze jours, j’avais déjà fait deux nuits blanches.

Ce poste était très large au niveau des tâches. Il n’y avait d’ailleurs pas de descriptif, donc pas de limites. Chaque fois, on me proposait de nouvelles choses à faire et je disais oui.

Il faut dire que j’étais la quatrième sur le poste. Les trois personnes avant moi n’avaient pas convenu. Je ne devais pas décevoir.

« Je n’avais pas le temps »

J’avais tellement de travail que j’y pensais sans cesse, même pendant la nuit. Souvent, je me réveillais en me disant « je n’ai pas fait ça ! ». Résultat : je dormais mal, j’étais très fatiguée.

Au bout de six mois, j’ai eu ma première névralgie. C’est un trouble musculo-squelettique. Mais je me disais que c’était moi qui dormais mal, qui me tenais mal.

Je faisais très peu de pauses. Comme les salariés avaient des horaires assez rigides, je me rendais disponible pour eux, notamment à l’heure du déjeuner. Et un samedi par mois. La journée, j’étais sans cesse dérangée donc je venais tôt et partais tard, pour travailler au calme.

Je mangeais sur le pouce, souvent devant mon ordinateur – je n’avais pas le temps -. Le distributeur était mon meilleur ami. Au total, j’ai pris dix-huit kilos.

A force de travailler sur ordinateur, j’ai commencé à avoir mal aux yeux, à la tête. J’avais des maux de ventre, aussi (j’ai compris plus tard qu’ils étaient liés au stress). Progressivement, j’ai éprouvé des difficultés à me concentrer, à mémoriser. Je mélangeais les noms des gens.

« La reconnaissance viendra un jour »

Deux ans après mon entrée dans l’entreprise, ma responsable a été licenciée du jour au lendemain. Ca a été un grand choc. La carrière tracée, c’était que je reprenne son poste. Mais c’est un jeune gamin pistonné qui l’a eu. Psychologiquement, ça a été une implosion : toutes mes valeurs, tout ce en quoi je croyais en tant que responsable RH a volé ce jour-là en éclats.

A partir de là, j’ai commencé à me dévaloriser, à me comparer à lui, à me dire que j’étais nulle. Mais je continuais. Je me disais toujours « ça ira mieux, continue, le travail paiera ». Dix mois après, il a été licencié. J’étais de nouveau toute seule, sans responsable.

Un jour, on m’a intégrée à une conférence téléphonique qui rassemblait tous les responsables RH. J’ai pris ça comme un signe : j’étais donc considérée comme l’un d’entre eux. L’un des sujets de discussion était un projet de voyage aux Etats-Unis. Il ne m’est jamais venu à l’idée que je pourrais ne pas en faire partie.

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