Ecoute, écoute-moi par Jacques Salomé

Jacques Salomé« Quand je te demande d’être écouté
Quand je te demande de m’écouter
et que tu commences à me donner des conseils,
je ne me sens pas entendu.

Quand je te demande de m’écouter
et que tu me poses des questions,
quand tu argumentes,
quand tu tentes de m’expliquer ce que je ressens
ou ne devrais pas ressentir,
je me sens agressé.

Quand je te demande de m’écouter
et que tu t’empares de ce que je dis
pour tenter de résoudre ce que tu crois être mon problème
aussi étrange que cela puisse paraître,
je me sens encore plus en perdition.

Quand je te demande ton écoute,
je te demande d’être là, au présent,
dans cet instant si fragile où je me cherche
dans une parole parfois maladroite,
inquiétante, injuste ou chaotique.
J’ai besoin de ton oreille, de ta tolérance,
de ta patience pour me dire au plus difficile comme au plus léger.
Oui simplement m’écouter… sans explication ou accusation,
sans dépossession de ma parole.

Écoute, écoute-moi.

Tout ce que je te demande, c’est de m’écouter.
Au plus proche de moi.
Simplement accueillir ce que je tente de te dire,
ce que j’essaie de me dire.
Ne m’interromps pas dans mon murmure,
n’aie pas peur de mes tâtonnements ou de mes imprécations.
Mes contradictions comme mes accusations,
aussi injustes soient-elles, sont importantes pour moi.

Par ton écoute je tente de dire ma différence,
j’essaie de me faire entendre surtout de moi-même.
J’accède ainsi à une parole propre,
celle dont j’ai été longtemps dépossédé.
Oh non, je n’ai pas besoin de conseils.
Je peux agir par moi-même et aussi me tromper.
Je ne suis pas impuissant,
parfois démuni, découragé, hésitant, pas toujours impotent.
Si tu veux faire pour moi,
tu contribues à ma peur,
tu accentues mon inadéquation et
peut-être renforce ma dépendance.

Quand je me sens écouté, je peux enfin m’entendre.
Quand je me sens écouté, je peux entrer en alliance.
Établir des ponts, des passerelles incertaines
entre mon histoire et mes histoires.
Relier des évènements, des situations,
des rencontres ou des émotions pour en faire la trame de mes interrogations.
Pour tisser ainsi l’écoute de ma vie.

Oui ton écoute est passionnante.
S’il te plaît écoute et entends-moi.
Et si tu veux parler à ton tour, attends juste un instant
que je puisse terminer et je t’écouterai à mon tour,
mieux, surtout si je me suis senti entendu. »

Jacques Salomé.

Le travail est, pour les Français, la 1ère cause de dépression individuelle

Par Corinne Caillaud
16/06/2018
Perçue par une large majorité d’individus comme une maladie qui nécessite une prise en charge médicale, la dépression reste un sujet tabou dans le milieu professionnel.
Le chiffre est alarmant. Selon un sondage Odoxa réalisé pour le laboratoire danois Lundbeck, spécialisé notamment dans la dépression et la schizophrénie, plus d’un quart des Français interrogés (28% exactement) déclarent être ou avoir été touchés par une dépression. Un phénomène en augmentation ces dernières années et dont la perception évolue.
Ainsi, pour 76% des sondés, la dépression est une maladie qui nécessite un accompagnement médical et psychologique, alors qu’auparavant elle était souvent considérée comme un état de faiblesse psychologique. « C’est le syndrome Orangina. Les gens imaginent qu’en se secouant la pulpe va remonter et après ça ira mieux », relève le professeur Raphaël Gaillard, psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne.

Stressed businessman sitting in office with head in hands

Une forte pression au travail et un management difficile arrivent en tête des principaux facteurs déclenchant de la dépression, pour 56% des personnes. « Obtenir un travail et le garder est vécu comme une pression majeure, alors qu’il est aussi une modalité d’accomplissement de chacun », souligne le médecin. Si les parcours sont aujourd’hui beaucoup plus fragiles qu’ils ne l’étaient autrefois, ils sont aussi beaucoup plus riches, avec des changements d’entreprise et de métier plus fréquents. « Avoir une carrière variée en fait une force, mais chaque point de bifurcation est sensible », poursuit Raphaël Gaillard.

Exigence de réussite des sociétés modernes

La dépression serait liée à une exigence de réussite de nos sociétés modernes où chaque individu est responsable de ses succès ou de ses échecs. « En se faisant des reproches, les êtres humains se créent une ambiance à déprime parce qu’ils sont déçus d’eux-mêmes. Or c’est très dur d’être déçu de soi-même », poursuit le médecin.
Dans la grande majorité des cas, la dépression n’est pas une maladie chronique. « C’est une fracture qui intervient à un moment de la vie. Elle est suivie d’une période de fragilité, puis de consolidation, un peu comme une fracture de la jambe », précise-t-il. Comme jusqu’alors la dépression était souvent perçue comme une maladie définitive, les personnes qui en étaient atteintes étaient cataloguées comme non efficientes dans le milieu professionnel. Une erreur selon le psychiatre, pour qui elles ont au contraire « une richesse que d’autres n’ont pas, avec une certaine forme de profondeur ». Une grande majorité de ses patients a d’ailleurs repris le travail et « certains pourraient être surpris de leurs fonctions actuelles », souligne-t-il.
La dépression reste cependant un tabou. Selon l’enquête d’Odoxa, les salariés auraient a priori moins de mal à parler d’un cancer que d’une dépression, s’ils étaient touchés par l’une ou l’autre de ces maladies. Dans la première hypothèse, ils en parleraient à 69% à la médecine du travail, contre 58% dans le deuxième cas. « Là aussi, ça tient à ce que vous pouvez vous reprocher. Un cancer, c’est la faute à pas de chance, alors que dans la dépression, on considère que c’est vous-même qui vous fracturez », pointe le spécialiste qui entend de plus de personnes Si des hommes politiques ou chefs d’entreprise témoignaient sur le sujet, le regard porté sur la dépression pourrait alors changer radicalement

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