La pratique de l’enquête de terrain par Lionel Obadia

L'ethnographie comme dialoguePage 16
Ainsi, la pratique de l’enquête de terrain en ethnologue se cristallise autour d’un « idéal ethnographique », qui, comme l’a rappelé Alban Bensa, a longtemps procédé d’une utopie, de nature plus poétique que scientifique : celle de l’immersion complète qui consiste à « s’identifier à l’autre jusqu’à l’éblouissement consécutif à l’abandon total de soi » 19. Ce caractère « fusionnel » participe très largement (d’une mythification du terrain, qui ne concerne pas seulement la transformation « intérieure » de l’ethnologue en « homme nouveau », mais aussi la charge affective qui caractérise le rapport à l’objet : si dans bien des cas, cette charge affective est positivement connotée (comme chez Griaule avec les Dogons, Leenhardt avec les Canaques, Mead à Samoa, Bastide au Brésil…), elle fait parfois surgir des sentiments beaucoup plus ambivalents voire franchement hostiles (comme Lowie chez les Hopi ou Turnbull chez les lks, etc.) 20 L’idéal de l’immersion complète ne saurait en définitive se confondre avec une « fusion » : les ethnologues ont toujours été bien conscients du caractère illusoire des efforts déployés pour « devenir indigène », reconnaissant leur position d’étranger (comme l’ont bien montré Griaule et Jaulin), qui n’est pas nécessairement un obstacle à la familiarité et la mise en œuvre d’un certain nombre de techniques pour saisir « le point de vue de l’indigène » (comme le veut Clifford Geertz).

19 Alban Bensa, De la relation ethnographique. A la recherche de la juste distance, Enquête, n01, 1995, p. 131.
20
François Laplantine, La description ethnographique Paris, Nathan 1996, p.l4.
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L'ethnographie comme dialogueL’ethnographie comme dialogue – Immersion et interaction dans l’enquête de terrain
Lionel Obadia, Collectif
Richard Pottier
Fabienne Randaxhe
Eric Jolly

Date de parution : 2 février 2003
Editeur : Publisud
Collection : terrain et perspective
ISBN : 2-86600-957-6
EAN : 9782866009571
Présentation : broché
Nombre de pages : 219
Dimensions : : 14,0 cm × 22,5 cm × 1,8 cm

L’examen de la relation ethnographique fait l’originalité du thème de cet ouvrage : celle qui se construit sur le terrain entre des enquêtés et l’ethnologue. Il retient cinq des contributions réalisées à l’occasion d’un enseignement d’initiation au terrain ethnologique dispensé à l’Université de Lille 3. Les études tic cas vont des Dogon du Mali aux Sherpa du Népal en passant par les Amish de Pennsylvanie et les habitants d’une cité du sud de la France. Cette diversité des lieux, des configurations sociales et culturelles, et donc des approches, souligne la richesse de l’éventail de la pratique ethnologique. Sur le terrain, l’ethnologue est accueilli, observé, épié, manœuvré par la population qu’il étudie, et qui, en retour, le jauge. Il n’est pas le seul à déployer des stratégies dans la relation… et d’en jouer. L’accent porte ainsi sur la réciprocité de la mise en scène de Soi et de l’Autre tant par l’ethnologue que par ses partenaires sur le terrain. L’enquête ethnologique est un jeu qui se joue nécessairement à plusieurs. Ses règles et ses enjeux évoluent au gré de l’immersion et de la perception de l’altérité réciproque, toujours présente, même dans le cas d’une enquête  » chez soi « . Tous sujets d’un même terrain, les acteurs – l’ethnologue comme ses partenaires – négocient des positions mouvantes autour du contexte et de l’imaginaire de l’enquête.
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