Sophie G. – SoF – D’écran à écran ou…

Sophie G. – SoF – D'écran à écran ou...
Photomontage, dessin, aquarelle , lettrage et collage.
…Ce que je donne à voir.
Comment avez-vous procédé pour la concrétisation de votre esquisse ?

Pour commencer je partais pour cette aventure en « e-Art-thérapie » avec un a priori grandissime, il faut bien le dire. Le confinement avait à peine débuté, et la toile regorgeait de propositions toutes plus diverses les unes que les autres mais avec un point commun et pas des moindres : aucune ne correspondait à l’image que je me fais de l’art-thérapie et ce que je peux en attendre (de mon point de vue, je le répète).

Donc, quand Emmanuelle m’a demandé de participer à ce protocole d’art-thérapie via une plateforme, dans un premier temps, j’y suis allée sur la pointe des pieds. Et si j’ai accepté c’est je pense parce que c’était elle et qu’elle avait déjà ma confiance. Nous nous connaissons depuis le Bataclan mais uniquement par mails interposés. A ce moment-là nous aurions déjà souhaité travailler ensemble sur les projets liés aux événements mais justement les réseaux sociaux ne proposaient pas encore tant de solutions. C’est dire si les choses vont vite ! Et aujourd’hui force est de constater que nous regrettons sincèrement de ne pas avoir pu profiter de tous ces nouveaux aménagements rendus possibles. Cette distance qui nous séparait et nous empêchait de mener à bien ce que nous souhaitions mettre en place a disparu et cela grâce à la plateforme.

Aujourd’hui, je sais qu’elle est présente (comme elle l’a toujours été d’ailleurs…) mais surtout qu’en un clic (prise de rendez-vous bien entendu…) elle peut apparaître à l’écran !  Mais il me semble, que justement ce qui rendu les choses encore plus envisageables, c’est ce lien qui existait avant. Il n’était pas visuel. Il ne s’agissait que de mails, mais il existait. Nous avions construit une base en quelque sorte.

Un autre aspect en lien avec la distance apparaît, c’est le port du masque devenu inutile !

Désormais nous sommes tous confrontés à ces échanges devenus pratiquement anonymes ; impossible de lire parfois la véritable émotion qui anime la personne qui nous parle. Seuls ses yeux qui restent vraiment visibles, et le ton de sa voix, nous donnent des indices sur ses véritables intentions à notre égard. Et croyez-moi dans le monde du commerce, cela rend les choses bien compliquées surtout quand on y ajoute la difficulté à respirer… Bref ! à l’écran tout devient possible : plus de masque, les rires, les pleurs, les incertitudes, les émotions même refoulées deviennent visibles. On ne se retranche plus derrière cette fichue distanciation sociale.

Et pourtant…

Malgré le lien, ce transfert (pas la peine de tourner autour du pot, hein ? S.F.), il y a eu des ratés : Les pannes d’ordinateur, les retards à l’allumage du matin, le nouveau micro acheté exprès qui n’a jamais voulu fonctionner. Chaque début de nouvelle séance apportait sa surprise !! Résistance ?!?… A méditer.

C’est difficile de se montrer à l’écran le lundi matin à 10 heures malgré le fait d’avoir choisi soi-même son heure. J’en rigole toute seule rien qu’en l’écrivant d’ailleurs. Comme c’est difficile aussi de se présenter au travers d’une vidéo qui sera vue par tant d’autres… ou pas. Le regard de l’Autre ?!?… A méditer aussi.

On commence alors une nouvelle semaine tout en essayant d’oublier les hauts et les bas de la précédente. Mais il faut aussi savoir revenir sur les difficultés rencontrées, les solutions que l’on a réussi à mettre en place, les ratés non gérés, les questionnements. Le lundi matin, synonyme de renouveau, est devenu au fil de ces semaines signe de « reboostage de confiance » grâce à ces rendez-vous : un rituel de mise à jour, pour rester dans le « langage 2.0 ».

Et pour finir, enfin pour l’instant, car il y aurait tant de choses à dire, il y a la question finalement cruciale : ce que l’on donne à voir.
C’est à l’avant-dernière séance qu’Emmanuelle m’a fait remarquer ce qu’elle avait à voir à chacune de nos séances. Éclat de rire géant de ma part : mes robots de cuisine, le Kenwood, la bouilloire, le balai, et pour finir cerise sur le gâteau :  la poubelle ! Heureusement qu’elle n’a jamais débordé !! cet intermède joyeux m’a pourtant énormément donné à réfléchir. En effet, ce que l’on donne à voir, et encore une fois dans toutes les situations : la commerçante que je suis tous les matins, l’art-thérapeute que je suis les après-midis et l’élève art-thérapeute que j’ai été durant ma formation, la patiente-participante que je suis les lundis-matins. Toutes ces facettes de moi-même donnent une image à voir au travers de cet écran et quoiqu’on en dise conditionnent les émotions, les réactions, les interactions qui vont se produire durant l’échange. Autrement dit ce lieu d’échange que devient l’écran n’a rien d’anodin… et l’on doit en permanence veiller à ce que l’on donne à voir durant ces séances qui perdent en quelque sorte de leur neutralité. Et tout le monde sait que la neutralité fait partie des quatre accords de l’art-thérapeute que je suis, et que je les revendique avec véhémence : neutralité, bientraitance, écoute et congruence pour ceux qui ont des difficultés à suivre… Alors que faire ?!?

Pour commencer, veiller à y remédier, et ensuite poser le questionnement sur le papier. J’ai alors décidé de me prendre en photo dans différentes pièces de la maison (heureusement petite !) pouvant potentiellement être utilisée pour une séance en vidéo. Durant le confinement nous sommes effectivement tous tombés dans ce piège qui était de chercher à voir ce qui se passait derrière. Finalement peu importait ce qui se passait au premier plan ! C’est la raison pour laquelle j’ai fait un montage me montrant systématiquement dans la même position. L’important étant ce que mes interlocuteurs pouvaient voir et observer avec plus d‘attention derrière moi. Le résultat est édifiant et montre à quel point il peut être important de revenir à un peu plus de cette neutralité si chère à l’institution ! La visio-consultation n’a rien de neutre. C’est la raison pour laquelle elle ne saurait être anodine et réclame comme je l’avais pensé une préparation et des circonstances appropriées. Et cette plateforme respecte ces paramètres.

Quels matériaux avez-vous utilisés ?

Tous mes outils de prédilection apparaissent dans cette réalisation finale. La photo, le photomontage, Le collage, l’aquarelle, le dessin, les montages issus du scrapbooking au travers du titre. Je tenais à varier les plaisirs, et surtout me servir de cette production un peu comme un final, à l’image de ce stage de calligraphie sur le thème de l’envol. Ne me donner aucune limite sauf celle du format que je voulais identique à toutes les autres productions, soit 50cm X 32.5cm . J’ai d’ailleurs bravé les moustiques et travaillé dehors pour bénéficier de plus d’espace et j’ai obtenu ce que je souhaitais.

Qu’avez-vous ressenti tout au long de l’évolution de votre création ?

Tout était clair dans ma tête. Le déroulement de chaque étape, des photos au montage et au dessin, puis au collage. Si bien que ma production s’est déroulée dans le plus grand calme et une belle sérénité. J’étais très bien, heureuse de consacrer ce moment à l’art-thérapie et avec le sentiment de travailler pour un projet, ce que j’adore.

Que ressentez-vous en regardant votre production ?

Il s’est passé beaucoup de choses pour moi durant ces deux semaines de vacances. Des événements plus ou moins anodins mais qui pour la plupart ont eu des répercussions importantes. Finalement je peux dire que même à mon âge, ce sont des vacances qui m’ont fait grandir. Un entretien pour un poste d’art-thérapeute à plein temps, la venue tant attendue d’un ami art-thérapeute, deux journées d’échanges et une vidéo de présentation à la clé. Une « dernière » (j’insiste) journée à l’école pour un atelier d’installation professionnelle… et pour finir ce stage de calligraphie sur le thème de l’envol. Je ne pouvais rêver mieux. Je suis prête à fermer certaines portes pour en ouvrir d’autres et prendre mon envol…

Cette production est la dernière de la série. Je pense sincèrement que c’est celle qui me donnera le plus à réfléchir, d’une part à cause du thème que je lui ai donné mais aussi des circonstances dans lesquelles je l’ai réalisée. Aujourd’hui ma vie d’art-thérapeute se met en place. Cette semaine me l’a démontré une fois de plus et malgré les événements qui agitent notre environnement quotidien, et cette peur de l’inconnu (la covid-19) et de ce qu’il nous réserve, veiller en permanence à ce que nous donnons à voir à l’Autre en tant que thérapeute surtout s’avère primordial.

Au travers de cette production je réalise à quel point, un bijou même petit , un maquillage plus marqué qu’à l’accoutumée, un vêtement neuf, ou des boucles d’oreille aux formes inhabituelles, tout comme l’environnement spatial, peuvent finalement changer « la donne » et interférer dans le processus….

J’aurais encore beaucoup de choses à écrire à ce sujet !

Arts plastiques : peinture, dessin, collage, modelage…

The British Association of Art Therapists (BAAT)Les images créées servent de point de départ et de référence pour nourrir la relation entre patient et thérapeute.
La pratique des arts plastiques sert à raconter, à mettre en formes, volumes, couleurs, sur un thème qui favorisera le lâcher-prise et ouvrira les portes de votre imaginaire.
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Le thérapeute s’attachera par ailleurs aux gestes de son patient, à la spontanéité de l’exécution, à sa façon de structurer l’espace pictural, d’organiser les formes, d’agencer les couleurs et d’associer les idées les unes aux autres. Au cours d’une séance, certains patients prendront ainsi conscience du sens caché de leur œuvre. Les couleurs utilisées pourront, par exemple, susciter en eux une émotion. De la même manière, les formes agencées pourront leur rappeler un souvenir douloureux, refoulé.

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