De la souillure. Essai sur les notions de pollution et de tabou (1966) – Mary Douglas

Logo Cairn.InfoMary Douglas était une des figures les plus notoires de l’anthropologie sociale britannique. Son parcours intellectuel ressemble à un sans-faute : dans les années 1950, son travail d’ethnographe sur les Lele du Congo lui vaut l’estime de la profession et un poste à Oxford. Dans les années 1960, son livre sur les interdits du Lévitique, De la souillure, la fait entrer dans le cercle des auteurs dont on ne cite pas seulement les matériaux mais les idées : avant elle, nul n’avait fait connaître à un texte biblique les rigueurs de l’analyse structurale. Son livre est devenu très vite un classique, mais elle a su s’investir aussi dans des domaines différents de l’anthropologie, et notamment dans ceux de l’économie et des institutions.

2 Qu’il s’agisse des sociétés occidentales ou de celles dites primitives, l’ouvrage De la souillure montre que les rapports à la saleté et au désordre sont fondamentalement symboliques. Les notions de pollution et de pureté permettent de faire face au désordre et au malheur. Au début des années 1950, une jeune anthropologue britannique, Mary Douglas, entame un travail de terrain dans l’ex-Congo belge et étudie les Leles du Kasai. D’emblée, elle est frappée par les lourdes règles diététiques qui régissent leur alimentation et ne peut manquer de faire le rapprochement avec le Lévitique qui, dans l’Ancien Testament, interdit la consommation de certaines espèces dites abominables.

Livre – Serge Tisseron – La honte

Serge Tisseron la HontePar Federica Scagnetti
Analyste Psycho-Organique & Praticienne EMDR

Je trouve intéressant le point de vue de Tisseron concernant le sentiment de la honte, d’autant plus que c’est le point de vue d’un psychanalyste qui définit la honte comme un sentiment social.

Pour la psychanalyse, la honte est éprouvée au moment de l’Œdipe, lorsque l’enfant désire le parent du sexe opposé, et qu’il a la honte de ce désir et de ne pouvoir rivaliser avec le parent du même sexe, qui est perçu comme supérieure à lui. Lorsque le sujet ressent de la honte dans sa vie d’adulte c’est lié à la projection d’instances parentales sur des personnages ou des institutions, une répétition donc de la honte éprouvée au sein de la famille en lien avec les imagos parentales.

Tisseron nous dit que l’enjeu de la honte est le risque d’exclusion. La honte est un sentiment complexe du fait qu’il renvoie à des situations vécues comme honteuses, aux non dits, à des situations de violence. Confondre le sentiment de la honte lié à une situation réelle de violence subie par le sujet, avec la projection d’une instance parentale intériorisée, serait reproduire cette même violence au sein de l’espace thérapeutique.

Tisseron dit clairement que certaines théories psychanalytiques peuvent empêcher la personne de pouvoir symboliser ce qui a été à l’origine de ce sentiment.
Une autre caractéristique de la honte c’est qu’elle est souvent accompagnée, cachée derrière d’autres sentiments, comme le sentiment de culpabilité, qui crée de la confusion. La confusion étant ici le moyen pour la personne de se défendre du risque de déségrégation mentale lié au sentiment de la honte.

Tisseron souligne la nécessité de favoriser l’expression de la situation qui a été à l’origine de la honte, et d’analyser les défenses intersubjectives à côté des défenses subjectives.
Il souligne le rôle essentiel de l’environnement dans la construction de soi à côté du rôle joué dans l’enfance par les premières figures d’attachement et d’investissement. « Les enveloppes psychiques ne sont pas constituées une fois pour toutes dans la relation avec la mère primitive, mais constamment confrontées à la dynamique sociale. » (Tisseron, 1992, p. 178).

Le psychisme humain prend racine dans la famille, qui est un lieu d’identifications et d’apprentissages, et un lieu de soutien, de holding au sens où en parle Winnicott. Par la suite il est tributaire des groupes auxquels il participe. Le groupe a un effet contenant sur le sujet, il contient des parties dangereuses de lui-même, le protége, et permet le partage de certaines instances comme le surmoi et l’idéal du moi, soutenant le système de défense du sujet. En contrepartie le groupe attribue un rôle à chaque sujet. C’est pour cette raison que le vécu de la honte peut non seulement survenir par rupture d’investissements du sujet sur des objets réels, mais aussi par rupture des investissements dont il est lui-même l’objet de la part du groupe. Le rejet du groupe provoque une violence telle qu’il peut « ébranler les personnalités les mieux constituées. » (Tisseron, 1992, p. 178).

Une compréhension de la honte dans tous ses aspects nécessite non seulement l’analyse des situations d’enfance au cours desquelles l’enfant a été confronté à la honte, mais aussi à l’exploration des situations humiliantes auxquelles il a vu ses parents confrontés, à la prise en compte des hontes des parents cachées à l’enfant et à l’étude des ensembles auxquels l’individu participe, qui partagent ses valeurs ou les lui contestent. Plusieurs situations peuvent émerger, même des situations qui ne sont pas en lien avec le sentiment de la honte. Tisseron émet l’hypothèse que l’on peut supposer qu’une personne soit plus sensible au vécu de la honte, du fait d’une fragilisation de son moi, et des enveloppes psychiques. Face à des situations sociales difficiles, du fait de cette fragilisation, la personne perd ses repères internes et ne peut pas mettre en place les réaménagements nécessaires pour faire face à ces situations. Mais mettre l’accent sur cette fragilisation sans intervenir autour des situations humiliantes réelles vécues renferment la personne dans un cercle vicieux : ressentie comme un témoignage de l’inadéquation entre le monde et soi, elle empêche l’ajustement qui permettrait de lui échapper.

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