Proposition de loi pour une meilleure protection des mineurs victimes d’infractions sexuelles

La proposition de loi d’orientation et de programmation pour une meilleure protection des mineurs victimes d’infractions sexuelles, en séance publique mardi 26 mars
Cette PPL est issue des travaux de la commission des lois ayant abouti à la présentation d’un rapport d’information pluraliste n°289 (2017-2018) intitulé « Protéger les mineurs victimes d’infractions sexuelles ».

Le groupe de travail s’était assigné d’établir un état des lieux partagé et de mener une réflexion sereine et approfondie, dans un contexte marqué par plusieurs affaires judiciaires ayant eu un fort retentissement dans les médias et dans la société, sur les infractions sexuelles commises à l’encontre des mineurs.

Le groupe de travail a estimé nécessaire de changer les termes du débat, centrés par le Gouvernement sur le délai de prescription (allongé à 30 ans) et un âge seuil de consentement (défini à 15 ans), pour envisager de manière plus large la lutte contre les violences sexuelles faites aux mineurs.

34 propositions ont alors été dégagées autour de 4 thèmes :

  • prévenir plus efficacement la commission des violences sexuelles à l’encontre des mineurs,
  • faciliter la libération et permettre la prise en compte effective de la parole des victimes,
  • améliorer la réponse pénale,
  • et permettre une prise en charge des victimes déconnectée du procès pénal.

La PPL reprend les propositions législatives du groupe de travail.

L’article 1er  approuve le rapport annexé à la PPL, définissant les orientations de la politique de protection des mineurs contre les violences sexuelles, reprenant les grandes lignes du rapport d’information de la commission.

L’article 2 vise à allonger le délai de prescription de l’action publique pour les crimes et les délits d’agressions sexuelles commis à l’encontre des mineurs. Ce délai passerait à 30 ans, au lieu de 20 ans actuellement.

L’article 3 prévoit d’instituer une présomption de contrainte pour qualifier de viol une relation sexuelle entre un majeur et un mineur dans deux hypothèses : l’incapacité de discernement du mineur ou l’existence d’une différence d’âge significative entre l’auteur majeur et le mineur. Il s’agirait d’une présomption simple, ce qui signifie que l’accusé pourrait apporter la preuve contraire.

L’article 4 vise à étendre la surqualification pénale de l’inceste aux viols et agressions sexuelles commis à l’encontre de majeurs.

L’article 5 tend à aggraver les peines encourues pour le délit d’atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans, passant de 5 ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende à 7 ans d’emprisonnement et 100.000 euros d’amende. Cette aggravation rapprocherait ainsi le droit français de celui de la plupart des autres pays européens.

L’article 6 affirme le caractère continu de l’infraction de non-dénonciation des agressions et atteintes sexuelles commises à l’encontre des mineurs afin de reporter le point de départ du délai de prescription au jour où la situation illicite prend fin. Il s’agit ainsi d’assurer  l’effectivité de cette incrimination qui oblige tout particulier à signaler les faits de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligés à un mineur.

François-Noël Buffet – Sénateur du Rhône – proposera en séance publique :
  • A l’article 2, l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineurs
  • Après l’article 2, la prise en compte des troubles psycho-traumatiques (amnésie traumatique) comme élément suspensif de prescription
  • A l’article 1, la diffusion des connaissances scientifiques sur les psycho-traumatismes et les mécanismes mémoriels consécutifs liés à un fait traumatique.
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Les victimes d’amnésie traumatique au Sénat !


Les victimes d’amnésie traumatique au Sénat !
A tous et toutes, tout d’abord un immense merci pour tous vos messages d’encouragement et de soutien aujourd’hui. Vous étiez tous là en pensée en énergie lors de cette audition.

J’écris le récit de cette journée sur le blog de la « Génération qui parle » pour dire aussi un grand merci à Anne Lucie et à Andréa d’avoir relayé l’appel à témoins qui m’a permis de recueillir un maximum de témoignages remis ce jour aux sénateurs et qui elles-mêmes déploient une immense énergie pour notre combat collectif.

Symboliquement, pour moi cela a été un moment fort car j’ai traversé avec vous vos souffrances depuis que vous avez commencé à me confier vos histoires il y a deux semaines.

J’ai été donc auditionnée par le groupe de travail sur les infractions sexuelles mis en place par la Commission des lois, qui réunit tous les partis. Ce groupe planche notamment sur les délais de prescription. Il est présidé par Marie Mercier (LR) qui est médecin dans la vie.

Outre Marie Mercier, étaient présents François-Noël Buffet (LR), deux autres sénatrices ainsi que deux collaborateurs parlementaires.

J’ai commencé par faire une courte intervention sur notre combat pour l’introduction de l’amnésie traumatique dans la loi, rappelé les statistiques de l’étude de l’association Mémoire traumatique et victimologie du Dr Muriel Salmona : 40% des victimes de viols mineurs souffrent d’une amnésie traumatique qui peut durer jusqu’à plus de 40 ans après les faits.

Et puis j’ai parlé de vos témoignages en disant ceci : « il est rare qu’une victime d’amnésie traumatique s’exprime devant les élus de la République. A ce titre, j’ai eu à cœur de penser aux autres personnes qui n’avaient pas cette possibilité. J’ai donc lancé un appel à témoins début décembre sur Twitter pour recueillir un maximum de témoignages en effectuant un travail journalistique de vérification sur certains. J’espère que cela vous aidera à mieux appréhender, à travers ces histoires, ce phénomène neurologique complexe. Ces témoignages viennent de la France entière ».

Ils ont tout de suite faite part de leur intérêt, notamment Marie Mercier. Je pense qu’il est rare qu’ils aient de la matière « humaine » sur notre trouble.

J’ai ensuite poursuivi : « de façon globale, il ressort de ces récits (hommes et femmes confondus) une grande souffrance et un fort sentiment d’isolement. Une étonnante précision de leur mémoire traumatique parfois 50 ans après les faits (ainsi l’un de nos témoins septuagénaire violé par un prêtre qui au sortir de son amnésie d’un demi siècle a retrouvé une victime de ce prêtre décédé). A la fois une aspiration et une peur de la justice, une peur d’être taxé de folie. Et évidemment une unanimité pour introduire l’amnésie traumatique dans la loi en guise de reconnaissance de ces souffrances ».

Puis de manière informelle, j’ai parlé de certains d’entre vous. Natacha, tout juste sortie de l’amnésie traumatique à qui il ne reste qu’un an pour porter plainte. J’ai expliqué à quel point c’était compliqué lorsqu’on était envahi par les émotions de faire sereinement une démarche judiciaire. Evidemment, j’ai plaidé pour l’imprescriptibilité. J’ai également parlé de la jeune C. violée par le mari de sa nourrice à deux ans et sortie de l’amnésie à 16 ans.

Ils avaient une écoute très attentive et déjà informée du sujet puisqu’ils ont entendu la pionnière du sujet en France et notre référence à tous, la Dre Muriel Salmona. D’un coup aussi, l’amnésie traumatique prenait un visage humain car une victime leur parlait.

J’ai ensuite raconté mon histoire et mon parcours que vous connaissez. Et j’ai enfin déroulé un certain nombre d’arguments juridiques pour tenter de les convaincre, en insistant vraiment sur les immenses souffrances que traversaient nombre d’entre vous dans ce parcours.

Lors de l’audition qui a duré une heure, j’ai vraiment ressenti de l’écoute, de l’attention, de l’intérêt et de la bienveillance, ce qui est déjà un énorme progrès. Qui aurait cru qu’une victime d’amnésie traumatique soit ainsi entendue au Sénat il y a seulement quelques années ?

Leurs travaux vont se poursuivre avec de multiples auditions. Outre des experts, ils ont déjà entendu des magistrats, des enquêteurs, d’autres victimes de viol. Ils se sont déplacés sur le terrain dans des unités spécialisées. Le résultat de leur travail fera l’objet d’un rapport qui devrait normalement alimenter la matière du futur projet de loi sur les violences sexuelles en 2018.

Obtiendra-t-on gain de cause sur l’amnésie traumatique ? pour être sincère, rien n’est moins sûr. La question est malheureusement complexe à « traduire » juridiquement de façon solide mais nous allons tout faire pour continuer à nous battre en ce sens.

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