Non, le violeur type n’a pas 34 ans et n’est pas de nationalité étrangère par Emmanuelle Piet

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22/01/2016

En se basant sur les plaintes pour viol déposées à Paris, l’Observatoire national de la délinquance dresse un portrait-robot de l’agresseur-type. Mais seules 10% des victimes portent plainte, ce qui peut faire douter de la représentativité de cette étude. Explications avec Emmanuelle Piet, présidente du collectif féministe contre le viol.

34 ans, de nationalité étrangère et sans emploi dans près d’un cas sur deux. C’est le portrait-robot du violeur type à Paris qui ressort d’une étude publiée ce vendredi par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales. L’ONDRP s’est basé sur les 688 viols déclarés à Paris en 2013 et 2014 alors qu’on estime chaque année qu’environ 84 000 femmes âgées de 18 à 75 ans sont violées ou victimes de tentatives de viol. Quelles conclusions tirer de cette étude ? Éclairage avec le docteur Emmanuelle Piet, présidente du collectif féministe contre le viol.

Le portrait-robot du violeur type et de sa victime vous semble-t-il pertinent ? 

Emmanuelle Piet : Le problème est qu’il y a un énorme biais. Ces conclusions se basent uniquement sur les statistiques de personnes ayant porté plainte. Or, on sait que seules 10% des victimes font cette démarche. C’est donc uniquement le portrait du violeur contre lequel une plainte a été déposée.

Y a-t-il justement un profil type ? 

Dans les statistiques déclaratives dont nous disposons, les violeurs ont entre 11 et 99 ans, sont issus de tous les milieux sociaux et agissent aussi bien le jour que la nuit. Avec une spécificité, dans 90% des cas, l’agression a lieu au domicile. 86% des victimes connaissent leur agresseur: c’est leur patron, leur voisin, leur collègue, leur frère, leur ami ou même leur mari ou petit copain. Quand c’est un proche, un membre de la famille, c’est plus compliqué d’en parler et de se tourner vers la justice. Il y a moins d’enjeu lorsque c’est un inconnu.

Toujours selon cette étude, dans la moitié des cas la victime était intoxiquée, très majoritairement à l’alcool. Est-ce un fait établi hors plaintes ? 

Cela arrive mais assez souvent l’alcool a été fourni par l’agresseur. Ou, dans le cas de victimes de viol à répétitions, certaines ont besoin de boire pour oublier. Dans ce cas, l’alcool est une complication liée aux violences subies. Le problème, lorsque l’on dit que les victimes étaient sous l’emprise de l’alcool, c’est la culpabilisation induite : « Elle n’avait qu’à pas boire, ce ne serait pas arrivé. » C’est contre ce genre de stéréotypes que nous luttons. D’ailleurs, l’alcool est un facteur aggravant : comment peut-on parler de consentement dans le cas d’une personne à peine consciente ?

En aucun cas, ces femmes n’y sont pour quelque chose. Jamais une victime n’est responsable de ce qui lui arrive. Ce n’est pas parce qu’elle portait une mini-jupe dans une ruelle sombre qu’elle s’est faite violer (c’est quoi ce français : elle a été violée, note de Aoa). C’est uniquement la faute de son agresseur. (Et puis ce n’est pas son agresseur, on doit justement les décoller, c’est l’agresseur, note de Aoa).

(Tant qu’on ne changera pas notre langage en France, reflet de nos idées reçues, on ne changera rien, note de Aoa)

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Une étude sur les viols à Paris écarte quelques idées reçues

Logo-les-Inrocks22  janvier 2016

Une première enquête sur les viols commis à Paris entre 2013 et 2014 menée par l’Observatoire national de lutte contre la délinquance et consultée par Europe 1, révèle qu’ils sont commis dans 50% par un proche de la victime.

Alors que l’on cherche encore à savoir ce qu’il s’est passé la nuit du 31 décembre 2015 à Cologne et dans d’autres villes en Europe, un premier rapport mené par l’Observatoire national de lutte contre la délinquance et consulté par Europe 1, apporte un éclairage sur les viols commis à Paris entre 2013 et 2014.

Alors que le viol est encore souvent perçu comme une agression commise par un inconnu dans une ruelle mal éclairée, cette étude montre qu’il est en vérité perpétré, dans la moitié des cas, par un proche de la victime. De plus, trois-quarts des agressions sexuelles sont commises dans des espaces privés (maison, voiture…). 57% sont même perpétrés dans des lieux d’habitation. A l’inverse, 12% des agressions sexuelles surviendraient dans l’espace public, et un viol sur dix en pleine rue.

93% des victimes sont des femmes, 100% des agresseurs sont des hommes

Le rapport se penche également sur les arrondissements parisiens les plus touchés par les agressions sexuelles. Contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas les quartiers les plus populaires, ni les plus excentrés, mais les 1er, 9e et 10e arrondissements où le taux de viols pour 100 000 habitants est le plus fort.

Comme le souligne Europe 1, l’étude dresse également un profil général de la victime et de l’agresseur. On apprend ainsi que 93% des victimes sont des femmes, âgées de 30 ans, une fois sur deux alcoolisées ou droguées. Les agresseurs, eux, sont dans 100% des cas des hommes, âgés de 34 ans en moyenne, de nationalité française dans 48% des cas.

Notons que le fait que 50% des femmes violées soient ivres ou sous l’emprise de stupéfiants ne justifie en rien leur agression. Cette donnée permet, au mieux, de prendre conscience qu’encore aujourd’hui, les femmes encourent certains risques à adopter des comportements festifs…

Moins de 10% des femmes violées portent plainte

Cependant, dans la mesure où nombre d’agressions sexuelles ne sont pas rapportées et qu’elles ne font pas systématiquement l’objet d’une plainte, les statistiques les concernant sont souvent à prendre avec des pincettes. C’est ce que souligne l’association féministe Osez le féminisme qui rappelle dans un communiqué que “moins de 10% des femmes ayant été violées parviennent à porter plainte”. Ce qui s’explique par la peur “de ne pas être crues”, du “mauvais accueil des forces de l’ordre peu ou pas formées”, de “procédures judiciaires trop longues et éprouvantes”, de “viols requalifiés en délit”, de “peines légères pour les agresseurs”

OLF en profite pour relancer son appel aux responsables politiques concernant l’amélioration de la prévention et de la lutte contre le viol, via “une formation systématique et obligatoire des professionnel-le-s qui peuvent recueillir la parole des victimes”, un “financement accru des associations spécialisées pour un meilleur accompagnement des victimes“, ainsi que “l’application effective de la loi de 2001 prévoyant 3 séances annuelles d’éducation à la sexualité du CP à la terminale“.

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