Collégialité de l’instruction, la gauche enterre la leçon de l’après-Outreau

Logo-Libération-sociétéPar Julie Brafman

collégialité de l’instruction, après-Outreau

Après le fiasco judiciaire, une loi de 2007 avait institué le principe d’une collégialité de l’instruction pour éviter le travail solitaire des magistrats et ses possibles dérives. Le garde des Sceaux a fait machine arrière.

C’est un enterrement discret qui s’est tenu en petit comité. Le 18 mai, lors des débats à l’Assemblée nationale sur le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle (J21), les députés ont adopté l’amendement à l’article 14 bis déposé par Dominique Raimbourg (PS), président de la commission des lois, fermant la porte à la collégialité de l’instruction. Jean-Jacques Urvoas, le garde des Sceaux, a lui-même soutenu cette proposition, réalisant une volte-face qui semble doublement surprenante. D’abord, parce que la collégialité de l’instruction, dans une version certes édulcorée, faisait partie du chantier de réorganisation des juridictions porté par le projet de loi J21 et défendu jusqu’à présent par Urvoas. Ensuite, parce que cette mesure n’est pas anodine : elle est emblématique de la réflexion conduite lors de l’après-Outreau. « Tout le monde a été étonné et pris de court », commente Pascal Gastineau, le président de l’Association française des magistrats instructeurs (Afmi), déplorant le recul du gouvernement sur cette « indispensable » réforme de l’instruction. La chancellerie tempère en évoquant qu’une telle réforme impliquerait une réorganisation complète des juridictions, ce qui dans le contexte actuel « déstabiliserait la machine judiciaire ».

« Maigret et Salomon »

Revenons aux origines : après le fiasco judiciaire d’Outreau, qui a vu le juge Fabrice Burgaud renvoyer treize personnes faussement accusées de pédophilie devant les assises, le juge d’instruction, à la fois enquêteur et juge, sorte de «Maigret et Salomon», pour reprendre la célèbre formule de Robert Badinter, s’est retrouvé sous le feu des critiques, considéré comme solitaire et tout puissant. En 2006, une commission d’enquête parlementaire a été chargée de recenser les dysfonctionnements de la justice dans l’affaire Outreau et les moyens pour y remédier. Dans son rapport, elle a estimé que «la magistrature pêchait souvent par l’individualisme de ses membres et souffrait d’un certain repli sur elle-même» et a jugé «souhaitable de recommander le développement de la collégialité». Dans la foulée, la loi du 5 mars 2007 a prévu «le remplacement du juge d’instruction par un collège de l’instruction composé de trois juges» ainsi que la création de pôles de l’instruction, seuls compétents en matière criminelle.

Pour autant, rien de totalement nouveau sous le ciel législatif. Les familiers de la procédure pénale auront remarqué le lien de parenté avec le dispositif adopté par le Parlement en 1985 à l’initiative du garde des Sceaux, Robert Badinter. Ce dernier envisageait, à l’époque, la création de chambres d’instruction composées de trois magistrats du siège (dont au moins deux juges d’instruction) auprès de chaque tribunal d’instance. Pour des raisons essentiellement budgétaires, cette réforme avait été maintes fois reportée avant de disparaître totalement des écrans législatifs. La loi de 2007, qui se teinte d’un sens nouveau, celui du «plus jamais ça», connaîtra finalement le même sort. Repoussée à plusieurs reprises (à 2010, puis 2011 et enfin 2014), elle se heurte à la disette financière de l’État.

D’après les estimations du ministère, pour la mettre en œuvre, il faudrait créer près de 300 postes de juges d’instruction et réorganiser la carte judiciaire. Cela impliquerait notamment la suppression de juridictions d’instruction dans plus de 70 tribunaux, parmi les plus petits. Mission impossible ? En tout cas, périlleuse. L’effectif des juges d’instruction a plutôt suivi le mouvement inverse : entre 2009 et 2012, ils sont passés de 623 à 540 et remontent péniblement la pente depuis 2013 (559 en 2014), selon les chiffres de l’Afmi. Quant au budget de la Justice, la France se classe en 37e position sur 45 pays, selon une étude du Conseil de l’Europe… Pour surmonter ces écueils, l’ancienne garde des Sceaux, Christiane Taubira, a imaginé, dans un projet de loi déposé en 2013, une solution plus pragmatique : «Une collégialité à la carte» mise en place «à la demande des parties ou des magistrats, lorsque ces derniers l’estimeront nécessaire, et qui ne portera que sur les phases de l’instruction justifiant effectivement qu’une décision soit prise par un collège de trois juges». C’est précisément cette variante, plus réaliste dans son application, qui a été reprise et défendue par Jean-Jacques Urvoas dans le projet de loi J21. Du moins jusqu’au 18 mai.
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Julie Brafman

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Viol, pédophilie : Comment les réseaux sociaux servent d’exutoire aux victimes

Logo-200minutesPublié le Helene Sergent

VIOLENCES Grâce à un hashtag ou un message posté sur Facebook, certaines victimes de violences sexuelles parviennent plus facilement à se livrer sur les réseaux…

« Moi, victime d’un pédophile, je voulais vous dire… », c’est avec ces quelques mots qu’Adrien Borne, journaliste sur iTélé, a révélé  sur sa page Facebook, un lourd passé gardé sous silence pendant vingt ans. Mal maîtrisés, les réseaux sociaux peuvent parfois s’avérer dangereux pour les populations les plus vulnérables. Mais Facebook et Twitter peuvent aussi devenir des espaces d’expression et de confessions précieux pour les victimes d’abus sexuels, d’inceste ou de viol.

Une force collective

Témoigner sur les réseaux sociaux peut avoir un double effet positif selon Muriel Salmona, psychiatre et auteure de Violences sexuelles : 40 questions questions-réponses incontournables (Ed. Dunod) : « Raconter son traumatisme peut permettre à d’autres victimes de réaliser qu’elles ne sont pas seules mais cela peut aussi donner une dimension collective à leur combat. » C’est, entre autres, ce qu’ont pu constater les victimes présumées du père Preynat, à Sainte-Foy-les-Lyon, qui ont lancé un site dédié pour recueillir les témoignages d’autres victimes :

Pour Isabelle Aubry, présidente de l’Association internationale des victimes de l’inceste, Internet a révolutionné la lutte contre les violences sexuelles : « Il y a 16 ans, avant que je ne crée l’association, quand on tapait « inceste » dans un moteur de recherche, on tombait sur des sites pornographiques ! ». Aujourd’hui les réseaux sociaux sont devenus des espaces de partage pour les victimes, précise-t-elle : « Ce sont des outils extraordinaires pour rencontrer, échanger et fédérer, donner la sensation d’appartenir à un groupe. »

Des précautions nécessaires

Pour autant, Muriel Salmona met en garde : « Les personnes qui décident de témoigner sur Facebook ou Twitter n’ont pas forcément de filtre et peuvent le faire sous le coup du traumatisme ou dans une émotion immédiate. Or le risque, c’est que ce témoignage fasse exploser un trauma sous-jacent et génère des regrets violents ».

Comment mesurer l’impact de son témoignage auprès de ses proches, de ses amis, de ses collègues ? Pour la praticienne, l’accompagnement dans la démarche est indispensable. D’autant que les conséquences peuvent aussi être judiciaires souligne la psychiatre : « Si les faits ne sont pas proscrits et qu’une action en justice est engagée, la défense de l’agresseur peut se servir de tous les propos de la victime, y compris ce genre de témoignage ».

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