« Pourquoi les hommes bons ne se lèvent pas pour dénoncer l’oppression et le dénigrement dont les femmes font l’objet ? »

Logo-le-vif.beLaurence Van Ruymbeke
08/03/15 à 09:00 – Mise à jour à 09/03/15 à 10:27
Source : Le Vif/l’express

En 61 ans d’existence, la dramaturge américaine Eve Ensler a survécu aux assauts d’un père abuseur quand elle était enfant, au souffle glacé d’un cancer invasif et à l’horreur des histoires de viols que les femmes du monde entier lui confient quotidiennement. Auteure de la pièce Les Monologues du Vagin, traduite en 48 langues et jouée dans 140 pays, elle poursuit son combat contre les violences faites aux femmes.

Le Vif/L’Express : On dit toujours de vous que vous êtes activiste et féministe, comme si cela devait orienter la façon de percevoir votre message. Les médias ne vous présentent pas d’abord comme une femme. Comment percevez-vous cet étiquetage ?

Eve Ensler : C’est drôle, ça ne m’a jamais frappée. L’identité est une chose intéressante. Plus je vieillis et moins je sais qui je suis. Et en fait, c’est plutôt libérateur. La façon dont je suis identifiée n’a pas d’importance ; ça ne me dérange pas d’être décrite comme auteure ou militante, parce que c’est ce que je suis. Je suis davantage intéressée par la distinction faite entre être un écrivain et être activiste. Les gens doivent toujours trouver une façon très duale, très patriarcale, de décrire ces deux rôles alors que pour moi ils sont inséparables. Quand on écrit, peu importe sur quel sujet, c’est par passion. La même passion se retrouve dans le militantisme et l’écriture. Tout est lié.

Vous venez de recevoir le titre de docteur honoris causa de l’UCL. Comment interprétez-vous cette distinction ?

Je suis humblement très honorée de recevoir ce titre. Cela montre que cette université se penche sérieusement sur la question de la libération de la femme et de la violence faite aux femmes. D’ailleurs, il y a un an, elle a décerné le même titre au docteur Denis Mukwege, spécialisé dans la reconstruction médicale des femmes victimes de viols au Congo. Je suis très heureuse que l’université participe à l’action One Billion Rising, qui rassemble à travers le monde des millions de danseurs désireux de s’insurger contre la violence faite aux femmes et que l’UCL se manifeste ainsi en faveur de cette cause.

A l’heure où le viol est devenu une arme de guerre en divers endroits de la planète, comment imaginer que le monde progresse vers l’égalité ?

Je pense que le monde est très compliqué… Karl Jung disait : « Pour survivre à ce siècle, il faut maintenir en parallèle deux idées qui s’opposent. » En certains lieux de la planète, on voit les pires atrocités commises sur les femmes. Ailleurs, on peut observer des transformations très encourageantes. Il faut regarder des deux côtés. De ma vie, je n’ai jamais vu autant de couverture médiatique des violences faites aux femmes. Leurs récits font la Une des journaux, tout autour du monde. De plus en plus de femmes prennent la parole pour raconter leur histoire, de plus en plus de responsables politiques soutiennent de nouvelles initiatives législatives… Si je regarde l’action One Billion Rising, 200 pays y ont participé l’an dernier. Ils seront plus nombreux cette année, de l’Inde aux États-Unis, de l’Allemagne au Bangladesh. On sent une nouvelle énergie qui émerge. Et en même temps, c’est vrai, il y a des retours en arrière : aux États-Unis, un mouvement de droite veut limiter le droit à l’avortement, par exemple. Il est difficile de dire quel camp l’emporte et de savoir si un mouvement prend de l’ampleur ou si, simplement, on l’entend davantage.

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