C à dire – Fallait-il interdire le « salon de la femme musulmane » ?

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Axel de Tarlé reçoit Céline Pina, conseillère régionale PS du Val d’Oise pour évoquer le Salon musulman qui s’est tenu ce week-end à Pontoise. Un rassemblement qui a beaucoup fait parler de lui en amont de son ouverture et qui continue de susciter la polémique.
Céline Pina
Conseillère régionale du Val d’Oise
Diplômée de sciences politiques, Céline Pina a été adjointe au maire de Jouy-le-Moutier dans le Val d’Oise jusqu’en 2012. Elle est actuellement conseillère régionale du Val d’Oise et membre du Conseil national du PS.
http://www.france5.fr/emissions/c-a-dire/diffusions/16-09-2015_413844
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L’enjeu social de l’inceste : perpétuer la domination masculine

Logo Madiapart |  Par Dominique Ferrières

Anthropologue et chargée de recherche au CNRS, Dorothée Dussy travaille actuellement sur la dimension empirique de l’inceste.

Voici une page qui décrit ce travail: Dorothée Dussy – Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (IRIS)

Extrait de la page: « Dorothée Dussy travaille actuellement sur la dimension empirique de l’inceste à partir d’enquêtes menées en France et au Québec. Dans la perspective où elle l’aborde, l’inceste n’est pas une catégorie symbolique à étudier à partir des règles qui l’interdisent. L’inceste est posé comme un ordre social qui, tout en l’interdisant en théorie, admet l’abus sexuel commis sur un enfant dans sa famille. Il s’agit ainsi d’en décrire les mécanismes de reproduction, de saisir les modalités de la mise au silence des membres de la famille et les valeurs, déclinées autour de la discrétion.

Un premier terrain dans des associations d’aide aux victimes, à Paris et à Montréal, auprès d’adultes anciens enfants incestés permet de réfléchir au contenu normatif d’un double apprentissage contradictoire : savoir, pour l’avoir appris comme tout le monde, que les parents sont protecteurs et que l’inceste est interdit, et parallèlement, être au quotidien violé chez soi par un parent, sans que rien n’en soit dit, ni par celle, ou celui ou ceux qui commettent ces viols, ni par l’entourage. Il s’agit de comprendre comment, dans ce contexte, se construit par exemple la distinction entre le répréhensible et l’admis, le vrai et le faux, le dangereux et l’inoffensif, le bon et le mauvais pour soi et pour les autres. Un second terrain est mené auprès d’agresseurs incestueux incarcérés au Québec ou en France, ou en suivi thérapeutique sur injonction judiciaire. Ce volet d’enquête s’appuie principalement sur des entretiens traitant de ce qui est ditde et sur l’inceste, où est étudié le statut des paroles (de justification, de dénonciation, de révélation…) qui entourent la situation incestueuse à un moment donné. »

Suite à ses recherches, Dorothée Dussy a publié en mars 2013 un ouvrage: Le berceau des dominations

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Extrait de la présentation du tome 1 « Anthropologie de l’inceste, livre 1 » :

« Dorothée Dussy se penche sur les mécanismes complexes par lesquels l’inceste, en théorie interdit et condamné, est couramment pratiqué dans l’intimité des foyers français. À la faveur du réel, et de la banalité des abus sexuels commis sur les enfants, l’inceste se révèle structurant de l’ordre social. Il y apparaît comme l’outil primal de formation à l’exploitation et à la domination de genre et de classe. »

Marie-Victoire Louis

Sociologue et chercheuse au CRNS, Marie-Victoire Louis a travaillé sur les questions des violences sexuelles à l’encontre des femmes, notamment la prostitution et les violences sexuelles au travail.

Suite à ses recherches, Marie-Victoire Louis a écrit en avril 1993 un texte dans lequel elle décrit l’universalité de l’inceste : L’universalité de l’inceste

Extrait de ce texte : « Le problème majeur qui se pose pour déterminer l’incidence réelle des abus sexuels sur les enfants dans les sociétés modernes est dû au fait que l’on doit se fier à des témoins qui éprouvent des difficultés émotionnelles énormes à faire part de ce qu’ils découvrent, bien plus qu’avec tout autre sujet psycho historique que j’ai rencontré.

D’une part, la plupart de ceux qui ont traité le sujet sont d’ordinaire eux-mêmes des avocats de la pédophilie. Dès les premières études de 1929, de sexologues tels que Symonds et Eglinton, la plupart des articles sur l’inceste ont été faits par des chercheurs qui espéraient justifier les relations sexuelles avec des enfants, en montrant combien cette pratique était répandue.

Beaucoup déclarent ouvertement, comme Allen Edwardes et R.E.L. Masters : « qu’il n’y a pas de honte à être un pédéraste ou un violeur si cela s’avère satisfaisant pour soi », ou proclament comme, lors de la première Conférence Nationale sur les abus sexuels sur les enfants, en 1981, Leroy Schultz, travailleur social et auteur prolifique sur la sexualité des enfants, que l’inceste est peut-être « une expérience positive et saine ». Même Kinsey écrivit : « Il est difficile de comprendre pourquoi un enfant devrait être troublé quand on touche ses organes génitaux, si ce n’est à cause d’un conditionnement culturel » – alors que son co-auteur du « rapport Kinsey », Wardell Pomeroy écrivit : « L’inceste entre adulte et jeunes enfants peut être … une expérience satisfaisante et enrichissante… ». »

Andrea Dworkin

Sur ce thème de l’enjeu social de l’inceste, la grande féministe Andrea Dworkin décrit l’inceste comme un camp d’entraînement pour la prostitution:

Extrait : « L’inceste est la filière de recrutement. C’est là qu’on envoie la fille pour lui apprendre comment faire. Donc, bien sûr, on n’a pas à l’envoyer nulle part, elle y est déjà et elle n’a nul autre endroit où aller. On l’entraîne. Et l’entraînement est spécifique et il est crucial : on l’entraîne à ne pas avoir de véritable de véritables frontières à son propre corps, à être bien consciente qu’elle n’est valorisée que pour le sexe, à apprendre au sujet des hommes ce que l’agresseur, l’agresseur sexuel, lui apprend. » (DWORKIN, Andrea, Pouvoir et violence sexiste, éditions Sisyphe, Montréal, 2007, page 84)

Texte original : « Incest is boot camp. Incest is where you send the girl to learn how to do it. So you don’t, obviously, have to send her anywhere, she’s already there and she’s got nowhere else to go. She’s trained. And the training is specific and it is important: not to have any real boundaries to her own body; to know that she’s valued only for sex; to learn about men what the offender, the sex offender, is teaching her. »
(Prostitution and Male Supremacy » (1993), Michigan Journal of Gender and Law 1(1):1–12. Reprinted in Life and Death (1997), p 139–51).

Lien sur l’ouvrage (traduction Martin Dufresne) : Pouvoir et violence sexiste : cinq écrits d’Andrea Dworkin