13/ Les souvenirs traumatiques : un autre type de mémorisation par François Louboff

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La mémorisation des événements traumatiques contraste avec celle des expériences non traumatiques.
Elle possède des caractéristiques inhabituelles qui ont été observées et décrites par les psychologues et les psychiatres depuis plus d’un siècle.

Notre asymétrie cérébrale (nous avons deux hémisphères cérébraux dont les fonctions sont différentes et qui contiennent des systèmes de mémoire séparés) expliquerait que des expériences traumatisantes, menaçantes, survenant dans les premières années de la vie et stockées dans l’hémisphère droit ne soient pas connues de l’hémisphère gauche.
Le contexte de l’événement traumatique n’est pas mémorisé puisque l’hippocampe, responsable de la mémoire « autobiographique » (ou explicite), n’est pas encore assez fonctionnel (amnésie infantile). L’hippocampe étant incapable de mémoriser tous les détails d’un traumatisme précoce, il est normal que les souvenirs de ce traumatisme, lorsqu’ils réapparaissent à l’âge adulte, contiennent des erreurs.
Quant au cerveau gauche, il n’a presque rien à mettre en mémoire puisque l’enfant n’a pas développé de langage suffisant pour traduire en mots ce qu’il est en train de vivre. Le traumatisme n’étant pas verbalisé, il ne peut être situé sur la ligne du temps (nous verrons que c’est l’hémisphère gauche qui gère le temps). Les souvenirs traumatiques de l’enfance, mémorisés dans le cerveau droit sous une forme non verbale, sont constitués principalement d’émotions et de sensations corporelles. Ils sont inconscients et intemporels.
Après la petite enfance, l’hippocampe est enfin capable de jouer son rôle et de construire des souvenirs autobiographiques. Parmi les personnes qui ont souffert d’agressions sexuelles dans leur enfance, certaines vont garder en mémoire toute leur vie ce qu’elles ont vécu, alors que d’autres vont parfois l’oublier, partiellement ou totalement. Cet oubli peut durer plusieurs années, jusqu’à ce qu’un événement particulier (par exemple un film, un autre traumatisme, une discussion, une thérapie) vienne ranimer la mémoire de ces événements et les rendre de nouveau conscients.
La proportion de personnes qui ont affirmé avoir « retrouvé » leurs souvenirs traumatiques d’agressions sexuelles d’une manière « retardée » varie selon les études de 19 à 82 %.

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Au Sujet des Faux Souvenirs ou fausses allégations

Fausses allégations en matière d’inceste congratulations gluantes par Andrée Ruffo – juge à la Cour du Québec

Préface d’Andrée RUFFO
Juge à la chambre de la Jeunesse, Cour du Québec
Présidente du Bureau International du Droit des Enfants
Inceste, le piège du soupçon,
Éd. Belfond, 1999

Réflexion sur les allégations d’inceste au cours des divorces conflictuels.
Vous m’avez fait l’honneur, cher Docteur Bensussan, de me proposer d’écrire la préface de votre livre sur les fausses allégations d’abus sexuels. Je suis touchée de cette demande et heureuse d’y répondre, car je trouve ce livre non seulement courageux mais salutaire, et je suis convaincue que la justice sera vraiment rendue lorsque, tous ensemble, nous accepterons de collaborer, avec la pleine conscience que l’intérêt supérieur des enfants doit prévaloir dans toutes nos démarches et nos décisions.
Votre livre, en effet, nous fait prendre conscience de l’urgence qu’il y a à combler l’écart entre les grands principes prônés par la communauté internationale et la réalité quotidienne. À une époque où nous reconnaissons des droits de plus en plus nombreux aux enfants, désormais inscrits dans nos chartes et dans nos lois (193 pays ont ratifié la convention relative aux droits de l’enfant), ces histoires vécues d’enfants aux prises avec des abus sexuels, et des abus de pouvoir exacerbés par des conflits de loyauté, nous rappellent combien il est urgent de travailler ensemble pour développer une plus grande sensibilité à des situations rendues plus dramatiques encore par la vulnérabilité des victimes.
(…)
Vous avez eu, Docteur Bensussan, le courage de dire que tout n’est pas si clair, que la vérité est complexe, et que la recherche de celle-ci est une démarche demandant intégrité, compétence, et perspicacité. Le travail, tant des magistrats que des avocats, des psychiatres, des éducateurs ou des enseignants est délicat, exige attention, continuité, compassion, pour que puisse s’établir une relation de confiance, laquelle seule nous permettra d’approcher la vérité.

Vous avez avec justesse rappelé que l’on ne devait pas confondre sincérité et vérité. Le juge, pour rechercher la vérité, doit en effet prendre en compte la sincérité ou la bonne foi, parmi d’autres facteurs tels que la malice, l’intérêt, les jeux de pouvoir, les pathologies (bien qu’il ne relève pas de la compétence du magistrat de poser un diagnostic de maladie mentale).
Je suis également très touchée que vous ayez proposé à une juge canadienne de préfacer votre livre. Je suis touchée parce que, une fois encore, je réalise que l’ampleur des souffrances endurées par les enfants dépasse largement nos frontières respectives.
En tant que présidente du Bureau international des droits des enfants, j’ai eu l’occasion de rencontrer des magistrats partout dans le monde. Je les ai entendus relater des situations semblables à celles que vous décrivez, et exprimer avec beaucoup d’humilité et de franchise les difficultés rencontrées dans leur travail. Ensemble, nous avons parlé de nos limites, confessé notre impuissance, mais aussi réaffirmé notre foi dans l’avenir et dans ceux qui, comme nous, croient aux enfants.

Parce que vous avez choisi de nous parler de ces difficultés avec honnêteté, compétence, à l’aide d’exemples probants qui nous ramènent à nos propres sentiments, à nos propres limites, et à la grandeur de notre mission ; parce que vous avez osé dire ce que beaucoup gardent secret dans le silence feutré de leur officine, nous vous sommes infiniment reconnaissants, et vous disons combien nous apprécions cette démarche d’homme conscient de sa responsabilité.
Ce livre est un outil éducatif de premier ordre, un outil de sensibilisation et de partage, porteur d’espoir, et susceptible de générer un sens accru de responsabilité pour tous ceux qui, comme moi, ont à prendre chaque jour des décisions qui marquent la vie des enfants. Votre livre est audacieux, votre livre est bon, bon à lire, bon pour l’âme.

Votre livre est honnête et apporte l’espoir. Il nous rappelle la nécessaire vigilance que nous devons pratiquer vis-à-vis de l’application de lois qui, bien que reconnaissant les droits des enfants, restent souvent lettres mortes. Un monde juste permettra à chacun d’aller au bout de lui-même, d’accomplir sa destinée. Nos lois, nos conventions, nos décisions garantissent ce droit à chacun. Avons-nous emprunté les bons chemins ? Sommes-nous sur la bonne voie ?

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