Au sujet des faux souvenirs ou fausses allégations

Une étude scientifique publiée dans le Journal of Consulting and Clinical Psychology aux États-Unis a démontré que 38% des femmes victimes d’inceste durant l’enfance ne se souvenaient pas de l’abus rapporté 17 ans auparavant1. Trois organisations professionnelles américaines (l’American Psychiatric Association, l’American Medical Association et l’American Psychological Association) reconnaissent également la réalité d’abus sexuels occultés2. La plupart des thérapeutes scientifiques et chercheurs déclarent que les survivants de ces abus tendent à nier plutôt qu’à exagérer leurs souvenirs horribles et que les mécanismes de répression et d’oubli sont très bien documentés dans les articles de psychiatrie3.
Par contre, dans les années 1980 se développa aux États-Unis un phénomène baptisé le « syndrome des faux souvenirs ». Des pères furent accusés d’inceste par leurs filles devenues adultes, qui suivaient une « thérapie de la mémoire retrouvée » (TMR). En 1992, s’est créée aux États-Unis la False Memory Syndrome Foundation (FMSF). De nombreux chercheurs et professeurs d’université américains ont travaillé sur ce sujet. Avec dix ans de retard, ce phénomène s’est développé en France. L’association Alerte Faux Souvenirs Induits (AFSI) a été créée en 2005. Un site internet, Francefms, a été créé en 2000. Il a pris le nom de Psyfmfrance en 2008. Si aujourd’hui le phénomène a fortement régressé aux États-Unis, il continue à se développer en Europe et en France4.
Tout ceci a déclenché une controverse qui fait rage. On retrouve des cliniciens et des chercheurs des deux côtés de la barricade. L’American Psychiatric Association s’est dite particulièrement inquiète de la tournure de ce « débat passionné » qui pourrait discréditer le témoignage de personnes traumatisées par un abus sexuel. Certains psychanalystes américains ont également déploré ce «cirque médiatique » qui banalise une souffrance profonde présente depuis longtemps et qui risque de rendre certains cliniciens sceptiques face à ces souvenirs qui font surface après des décennies. Des chercheurs du Centre de traumatologie de la clinique Harvard, auraient aussi démontré l’existence de souvenirs corporels qui ne peuvent être falsifiés.
Si la manipulation possible de la mémoire par des psys adeptes de l’abus-sexuel-cause-de-tous-les-maux pourrait faire du tort, qu’en est-il de l’impact négatif que cette « mode » a pu et peut encore avoir sur les victimes aux vrais souvenirs occultés ? En effet, depuis deux décennies, il semblerait qu’on se soit plus préoccupé du sort réservé à ces victimes aux souvenirs possiblement implantés, de même qu’à, il va sans dire, leurs agresseurs injustement accusés, qu’à celui réservé aux vraies victimes aux souvenirs retrouvés. Les organisations professionnelles américaines ont sans aucun doute eu raison de s’inquiéter de cette mode. Et il est à espérer que les organisations européennes sonneront aussi l’alarme.
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[1] Williams LM. Recall of Childhood Trauma : A prospective Study of Women’s Memories of Child Sexual Abuse. J Consult Clin Pharmacol 1994; 62 (6) : 1167-1176.
[2] Côté J. La Controverse sur les Fausses Mémoires (extrait du livre de Jean Côté, psychologue, intitulé La Thérapie par le Tunnel, pp. 52-64), Provirtuel et Jean Côté, 2001.
[3] Landsberg, M. L’Etiquette de Mémoire Fictive est Inventée par un Groupe de Pression (paru dans le Toronto Star du 13 novembre 1993). Canadian Association of Sexual Assault Centers (CASAC) / Association Canadienne des Centres Contre les Agressions à Caractère Sexuel (ACCCACS).
[4] Axelrad B. Faux souvenirs et thérapies de la mémoire retrouvée. Science et pseudo-sciences, no 285, avril-juin 2009. En ligne : http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article1049.
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Autres billets sur les fausses allégations ou faux souvenirs
Contre les fausses allégations : Ma vie en pièces détachées par Maritée préface de Muriel Salmona

18/ Il s’avère que c’est l’ingestion d’un médicament – l’amobarbital –, qui peut induire sous hypnose la construction des faux 
souvenirs, et non pas l’hypnose seule
19/ Le point sur les fausses allégations ou faux souvenirs par Marie-Christine Gryson Dejehansart

19/ Le point sur les fausses allégations ou faux souvenirs par Marie-Christine Gryson Dejehansart

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Les fausses allégations
Puisque personne n’a pu le faire de manière explicite lors 
du procès d’Outreau, en dehors du chantre1 de la remise en 
cause de la parole de l’enfant, je ferai un point sur les acquis 
de la psychologie à ce sujet. C’est d’autant plus important 
que le grand public a remis en question avec Outreau les 
données du bon sens et les acquis de sa propre expérience.

L’enfant qui feint d’avoir été victime est rapidement 
« repéré » par l’examen psychologique. Même s’il est sous 
l’emprise d’un parent (aliénation parentale), il ne peut 
reproduire dans son récit, ni projeter dans les tests les 
spécificités attendues chez l’enfant agressé sexuellement. 
L’analyse de crédibilité et les tests sont vierges de tout impact 
traumatique. Un enfant qui n’a pas vécu dans son corps 
un acte sexuel ne peut en porter les stigmates uniquement 
parce que sa mère lui aurait dit qu’il l’a vécu. Le suivi des 
enfants pour lesquels la mère a été soupçonnée d’induire de 
fausses allégations a permis de clarifier et corriger ce genre 
d’assertion.
Le thème des fausses allégations dans les procédures 
de divorce vient des Etats-Unis et du Canada et relève 
des conflits parentaux en lien avec les droits de garde. 
Il semblerait d’ailleurs que les statistiques auraient été 
falsifiées 2. Contrairement à ce qu’il se passe en France, ce 
thème stratégique a pris de l’importance dans ces pays-là 
uniquement parce que les parties pouvaient requérir leurs 
propres experts. En France, ces derniers étant nommés par 
le tribunal, ils travaillent en toute indépendance. Le résultat 
d’une recherche rigoureuse de l’université de Rouen et du 
ministère de la Justice en 2001 3 – sur 10 000 dossiers des 
juges aux affaires familiales – aboutit au résultat de 2 fausses 
allégations qui peuvent être considérées comme telles sur 
1 000 cas, soit un pourcentage de 0,2, ce qui correspond 
aux observations pratiques de l’ensemble des experts. En 
revanche, la pression qu’un parent exerce sur un enfant pour 
qu’il ne révèle pas l’existence d’authentiques agressions sexuelles 
reste fréquente.
On sait que le temps « travaille » toujours pour l’agresseur 
et que l’enfant acquiert rapidement un sentiment d’irréalité 
et de doute, qui est un signe de refermeture psychique. Il est 
donc facile à ce stade d’imprimer chez l’enfant la suggestion 
de l’irréalité des événements qu’il a subis.
Dans l’affaire d’Outreau, les révélations des enfants 
Delay ont eu lieu alors que les enfants n’étaient plus au domicile parental, mais une année après leur placement en 
famille d’accueil, comme on le voit classiquement. L’enfant 
ayant retrouvé ses repères, il peut identifier les aberrations 
que sont les abus sexuels.
Les fausses allégations ne peuvent s’inscrire ni dans le 
corps ni dans le psychisme de l’enfant. Une confirmation 
de ces constats nous est donnée par la découverte des 
neurones miroirs. Cette découverte confirme, comme 
souvent, les acquis du bon sens. Il a été montré, grâce aux 
images données par l’IRM, que les zones concernées par 
une activation du mouvement corporel peuvent s’activer 
par mimétisme, si l’on regarde par exemple un spectacle 
sportif. Il faut pour cela que la personne ait « engrammé », 
par sa propre expérience, ces différents mouvements. 
En revanche, lorsque l’exercice est complexe et qu’il ne 
correspond à aucune expérience psycho-corporelle, l’on ne 
retrouve pas de zone d’activation. Les auteurs4 d’un ouvrage 
sur les neurones miroirs citent une boutade d’enfant à titre 
d’exemple : « Papa, tu sais pourquoi je ne veux pas être un 
chien ? Parce ce que je ne saurais pas comment remuer la 
queue » !
D’où la différence constatée par le psychologue entre 
les réactions décelées chez l’enfant qui a subi des viols et 
celui qui a regardé des vidéos pornographiques. Il m’arrive 
de plus en plus souvent de recevoir en cabinet libéral des 
enfants que les parents ont surpris alors qu’ils visionnaient 
une cassette pornographique ou des images de cet acabit sur 
Internet. Par ailleurs, il va de soi que l’innocente sexualité 
entre enfants, qui relève des jeux de découverte5, ne 
ressemble en rien aux relations entre adultes et enfants.


1. Le Dr Paul Bensoussan à l’invitation de la défense, voir p. 98.
Une nouvelle stratégie émerge aussitôt : la référence à 
un expert, le Dr Paul Bensoussan, qui est venu à la demande 
de la défense pour parler bien sûr des fausses allégations. 
Pourtant ce psychiatre n’est pas, à ma connaissance, 
pédopsychiatre, et encore moins praticien de thérapies 
d’enfants victimes d’agressions sexuelles, qui permettent de 
connaître réellement l’évolution dans le temps de ce type 
de traumatisme.
Je précise aussi qu’il n’a pas expertisé les enfants 
d’Outreau, et qu’il n’est pas psychologue. Il ne dispose 
donc pas des outils d’analyse intra-psychique qui complètent 
et parfois interrogent sur la clinique quand un enfant 
« a l’air d’aller bien ». En effet, la souffrance, voire la 
déstructuration, ne peut être objectivée que dans les tests 
projectifs, les repères comparatifs étant toujours donnés par 
les victimes avérées. Ce psychiatre zélé ne s’est pas contenté de témoigner au procès, mais a continué de dévaloriser le 
travail des psychologues sur les ondes de France Inter lors 
du premier procès. Ce fut sur celles de France Info que 
l’on put l’entendre lors du second procès et précisément 
le 3 novembre 2005. Il a expliqué en substance qu’il avait 
souvent mis en garde les psychologues qui oublient « qu’un 
enfant est influençable et qu’il confond réel et imaginaire », 
signant ainsi le discrédit d’une profession.
2. Une étude canadienne récente très rigoureuse évoque le chiffre de 4%, contre 50% il y a 
une dizaine d’années, des chiffres présentés alors par des associations pour le droit des pères. 

3. Ministère de la Justice /Laboratoire PRIS, université de Rouen, directeur de recherche : 
professeur Jean-Luc Viaux.
4. Giacomo Rizzolatti et Corrado Sinigaglia, Les Neurones miroirs, traduit de l’italien par 
Marilène Raiola, Paris, Odile Jacob, 2008.
5. Lire à ce sujet : Pr Jean-Yves Hayez, La Sexualité des enfants, Paris, Odile Jacob, 2004.

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Autres billets sur l’affaire d’Outreau
1/ Outreau – La vérité abusée
2/ Outreau, la vérité abusée. 12 enfants reconnus victimes
3/ Outreau : Les lettres de Kevin Delay au juge Burgaud
4/ 24 février 2011 – La parole de l’enfant après la mystification d’Outreau
5/ Outreau : la télédépendance de l’opinion – « télécratie 4 » – « procès- téléréalité »
6/ Des troubles du comportement
7/ Saint-Omer – juin 2004 : Les enfants présumés victimes sont placés dans le box des accusés !
8/ Saint-Omer – Selon M. Monier, une telle configuration des lieux a eu un effet négatif sur le procès, personne n’étant à sa place
9/ Saint-Omer – Mercredi 2 juin 2004 – Le procès bascule le jour des rétractations provisoires 
de Myriam Badaoui
10/ La victime envahie par le souvenir traumatique ne marque aucune pause « pour réfléchir »
12/ Militantisme association
13/ Les points de défaillance au procès de Saint-Omer
14/ Florence Aubenas : le danger de la victime résiliente mêlée à toutes les causes15/ Un éclairage sur les rétractations et les contaminations
16/ Outreau : presse & justice – Florence Aubenas : je consulte le dossier d’instruction
17/ À propos des aveux de l’un des accusés acquittés d’Outreau
18/ Il s’avère que c’est l’ingestion d’un médicament – l’amobarbital –, qui peut induire sous hypnose la construction des faux 
souvenirs, et non pas l’hypnose seule

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