BMP – La honte, la tristesse et le repli sur soi  !

BMP – La honte, la tristesse et le repli sur soi  !

Mon idée d’aujourd’hui était de réunir ces trois attitudes en un seul dessin. Et pour cela, je prendrai un crayon gel de couleur blanche, puisque je suis sur une feuille noire qui peut évoquer la tristesse.

Comment avez-vous concrétisé votre esquisse ?

Dans ma tête, il y avait le désir de faire apparaître plein de détails dans cette production. J’ai donc commencé par faire apparaître la honte, avec ce corps d’ado, vu de dos. Ce corps sera comme mélangé dans la chevelure du visage de la femme adulte. Celle-ci retranscrira la tristesse. Quant au repli il se traduira pas ce corps au dos arrondi.
J’imaginais ce ton blanc qui recouvrirait mon ébauche, j’y trouvais de la douceur, une douceur apaisante.
Une fois mon ébauche terminée quand je la regardais de loin, par moment elle me parlait, mais pas à d’autres. Elle me paraissait un peu irréelle. J’avais hâte de commencer à y déposer cette couleur blanche, avec ce médium gel.
Retrouver la position quant à savoir comment tenir ce crayon entre mes doigts pour essayer de toujours faire un mouvement stable sans trop de tremblement. Ce médium n’est pas simple à travailler, mais c’est pour cela aussi que je l’ai choisi en ce jour : travailler cette difficulté de ne pas trop trembler.
Cela peut paraître simple, mais non, car la mobilité de mes doigts meurent petit à petit. Tout comme les sensations lors du touché. Diagnostic confirmé par un neurologue, il y a peu de temps après des examens. Le passé a laissé de fortes empreintes destructrices qui n’ont jamais été soignées, ce qui maintenant a provoqué de très gros dégâts et certains seront irréversibles d’après le chirurgien et le neurologue !
Quand le diagnostic est tombé, mes larmes ont coulées ! mais cette petite voix dans ma tête me disait aller relève-toi ! bouge-toi ! Tu n’as pas le droit de te laisser aller !!!
Je vais subir une première opération début février pour essayer de limiter les séquelles !

Pour ma part j’y crois fort ! hors de question de baisser les bras ! Le dessin est mon médicament ça a toujours été et il est hors de question que cela change ! Mon psychiatre m’accompagne dans ce combat !
Pour en revenir à ma production, je commence par le bas de mon esquisse, par ce corps arrondi, puis je remonte doucement vers le haut de la tête et vers les cheveux.
Je devais également trouver une harmonie dans la forme de tous mes traits, pour garder cet apaisement dans ma tête. C’était agréable de poser ce ton blanc, le plaisir était là et je l’ai déposé dans l’intérieur de ma création. La douleur était là mais ce blanc est fascinant ! J’avais hâte d’observer la fin de ma composition !
Ce qui m’a un peu déstabilisée par contre c’est que je n’ai pas eu de finitions à faire, ce que je fais pourtant d’habitude.

Quels matériaux avez-vous utilisés ?

Cette production a été conçue sur une feuille noire de format 36 à 46 cm. Comme médiums : crayon gel de couleur blanche

Que ressentez-vous quand vous regardez votre création ?

Je dépose ma création sur le chevalet et je l’observe, dans ma tête la première chose que je fais, c’est rechercher les trois situations que je souhaitais retranscrire. Ensuite, je regarde si l’harmonie apparaît, car c’était cela l’important. Par moment, j’en oubliais la honte et la tristesse ! ce que j’ai ressenti lors du diagnostic.

Je me dis : Béatrice tu as fait un autre pas en avant  ! Yes !

BMP – Le secret

BMP – Le secret
Je souhaitais peindre sur ce qu’on appelle le secret. Il est arrivé un événement dramatique, lié à notre passé, à une de mes sœurs. Un fait que l’on m’a rapporté par hasard.
Il y a des événements dont on ne doit pas parler, des faits qui doivent être cachés, comme mis à l’écart, faire comme s’ils n’avaient pas existés. Il y en a dans certaines familles.
La définition simple du secret pourrait être :

« Cacher quelque chose intentionnellement à une ou plusieurs personnes. »

J’écrirais par exemple que mon passé doit rester secret pour celle qui fut ma génitrice, mais aussi pour certaines administrations. Il y a eu, en ce qui me concerne, tellement d’actes, tellement de droits bafoués envers moi, que si les secrets sortaient, étaient levés, cela pourrait provoquer un scandale. Quand j’ai voulu en savoir plus sur mon passé, sur mon dossier et quand je commençais à poser des questions qui mettaient mal à l’aise, qui dérangeaient, la personne qui me recevait, m’a sorti cette phrase que je n’oublierai jamais :

« c’est du passé madame, nos collègues d’avant ont bien fait leur travail.”

J’ai senti qu’il fallait que tout reste secret, que ma naissance devait être tue pour ne pas déranger le passé et les personnes concernées qui sont en vie dans le présent.
Le « secret »  rentre également dans le milieu professionnel, d’ailleurs, c’est un devoir qui est réservé aux médecins, aux avocats, mais aussi aux ministres des cultes dans l’exercice de leur ministère. Là, je parlerais de sécurité, de l’intimité de la personne, de ses droits que toutes ses professions doivent avoir. S’il y a des violations, une sanction se met en place tout de suite ! Il y a un autre type de secret, mais celui-ci vient de soi. C’est ce que j’appelle le jardin secret. Il peut permettre d’avoir un dedans qui vous appartient en propre.
Par contre, le secret « négatif », celui qu’il faut taire, provoque de la honte, de la douleur, de la culpabilité, du mensonge. Sans oublier le déni. Bien sûr, il y a aussi les secrets liés à la sécurité d’un pays, mais ce n’est pas de ceux-là dont j’ai envie de parler.
Je pourrais écrire qu’il y a des bons secrets, car tous ne sont pas nocifs, je les appelle « les secrets doux », car ils contribuent à notre bien-être et à notre épanouissement, je les décrirais comme légers à porter et souvent amusants ; je pense par exemple au secret dans lequel on peut préparer un anniversaire, une fête, une demande en mariage, le prénom d’un enfant à naître, mais ce sont souvent des secrets partagés avec quelqu’un en qui on a confiance.
Il y a aussi ces secrets que l’on peut consigner dans un journal intime, ces secrets qui renvoient à notre vulnérabilité, à nos complexes, à nos difficultés ; ces petites réflexions, que l’on consigne dans son journal intime, dans son jardin secret. C’est ce que je fais quand je pense que mes pensées rentrent dans la plainte, ou quand ça tourne dur dans ma tête. Je ne le dis pas, mais je l’écris.
Il y a enfin ces petits secrets que l’on ne raconte qu’à peu de personnes et qui peuvent être évoqués et partagés au cours d’une soirée, mais les bons ami.e.s, ça ne court pas les rues. Je parle des vrais.
Pour terminer, je reprends ces secrets qui sont lourds à porter et à vivre. Là, c’est autre chose, car cela peut générer un sentiment de mal-être total, qui va jusqu’à la dépression, voire le suicide. Il y a aussi le secret révélé qui détruit.
Dévoiler un lourd secret n’est pas anodin et cela peut même détruire une famille ou une personne. Il faut prendre cela au sérieux, si des événements doivent être dévoilés, la personne doit impérativement se faire accompagner. Il arrive aussi que sans que nous n’ayons rien demandé, on se trouve à porter un secret qui ne nous concerne pas vraiment, mais c’est dangereux de faire porter ce poids.
Je vais donc essayer de traduire par une création, comment je perçois le secret.

Comment avez-vous concrétisé votre esquisse ?

La première idée était de traduire l’enfermement, donc des murs. Il s’agit aussi de rester dans le cadre du secret qui ne détruit pas, du secret doux, que l’on peut quand même partager avec quelqu’un en qui on a confiance. Pour retranscrire cela, des représentations d’une oreille, d’un visage sans yeux, d’une main, étaient des éléments qui me parlaient. La main, comme la main en l’air, pour faire le signe de « je jure », je ne le répéterais pas. Elle pourrait faire parler aussi la certitude que cela resterait enfermé entre les deux personnes. Elle pourrait faire une barrière de protection anti-fuite. Une oreille, qui traduirait l’oreille de celui qui écoute, et qui gardera ce secret qui ne détruit personne. Une bouche, avec le visage sans les yeux pour montrer la personne qui va dire son secret, la bouche pour parler, les mots qui vont sortir, qui ne feront de mal à personne, car il s’agit juste de parler de son vécu, de ce que l’on vit, de ce que l’on ressent, de ce que l’on est. J’ai donc commencé  par dessiner, la main, puis ont suivi la bouche et enfin l’oreille.
Pour le manteau de couleur, le médium : la peinture aquarelle, ne me parlait pas du tout. Par contre un dégradé de gris du plus clair au plus foncé, avec mes crayons à papier, allait beaucoup mieux. Les parties où se trouve l’oreille : le visage donc la bouche avec le nez seront plus dans le foncé et le tour des formes d’avantage dans le plus clair. Je trouvais que le crayon à papier mettrait en évidence les détails, c’est ce que j’ai pensé à ce moment-là. Parfois la couleur grise fait parler la neutralité.

Quels matériaux avez-vous utilisés ?

Cette coposition a été conçue sur une feuille de format 36 x 46 cm. J’ai utilisé un crayon HB pour faire apparaître l’esquisse et des crayons 6B, 3B pour le reste de ma production.

Que ressentez-vous en face de votre création ?

J’observe ma production, et dans ma tête, je pense aux limites du dire ou de ne pas dire ; et j’en reviens à l’intime. Ce sont des sujets intéressants, mais que je trouve graves, que je ne prends pas à la légère. Dans l’intime il y a des limites on ne doit pas tout partager ! Dans mon cerveau, je me sens bancale d’un côté et plus vide dans l’autre. Je ressens des palpitations dans le profond de mon ventre.