Aurélie – Hospitalisation – Mercredi 5 juin 2013

J’ai pris un cahier pour écrire je ne sais pas si je vais m’en sortir je suis vraiment trop mal.
Merci d’être là, c’est très important pour moi et je sais que vous avez beaucoup de travail. Je suis à la clinique depuis environ une heure.
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Ils me gonflent avec le repas je leur dis que je ne vais pas manger. Ils m’apportent quand même le plateau mais rien que les odeurs je ne les supporte pas ! Là je suis dehors en train de fumer je ne peux pas, je ne supporte rien je veux tellement mourir !
…/…
Que dire de plus alors que je suis au fond du gouffre. Ils m’ont amené une espèce de complément alimentaire comme un yaourt à boire hyper protéiné et hyper calorique mais je leur ai dit que je n’en voulais pas. Ils ne comprennent pas que je ne peux que boire sans sucre je ne peux rien manger ni prendre tout ce qui comporte des calories ou du gras ou tout autre choses.

Commentaires sur le billet de Béatrice sur les limites

Je voudrais reprendre presque in extenso le texte publié par Béatrice.
BD – Les limites

Une des questions est de savoir ce que l’on entend par limites ?

D’une manière générale, il s’agit de ne pas dépasser quelque chose (ce quelque chose ayant été fixé par des règles sociales), de respecter des règles, de ne pas envahir. Maintenant quand on a été élevé avec des personnes qui n’ont jamais respecté vos limites (votre corps), quand des personnes ont transgressé toutes les limites (que ce soit un père violeur, une mère maltraitante, une famille adoptive) et n’ont jamais respecté les règles sociales, comment se mettre des limites à soi-même quand son propre corps n’en n’a pas ou n’en n’a plus ? Le corps fait une séparation entre le dedans et le dehors, mais là, qu’en est-il quand on a vécu ce par quoi Béatrice est passée  quand de fait on ne connaît pas ses limites ?
Mon idée dans ce billet est de reprendre les différents paragraphes du texte de Béatrice et d’essayer d’y répondre, d’y réagir. Le texte de Béatrice sera en italique.

I – La colère contre moi.

En colère en colère en rogne contre moi, je ne gère pas la situation actuelle je ne sais pas quoi prendre comme décision positive me concernant je suis incapable de les reconnaître et de savoir, mais voilà c’est plus fort que moi je refuse cette réalité ne pas pouvoir le reconnaître que je ne peux pas me prendre en charge car je crois aussi je ne veux pas qu’on les prennent à ma place ces foutues décisions.

Je suppose qu’il y a quelque chose d’implicite pour vous dans ce paragraphe, mais pas pour le lecteur. Peut être vous sentez vous menacée d’une nouvelle hospitalisation (une sorte d’emprisonnement non ?) pour vous protéger de vous-même. Or de cela, manifestement vous n’en voulez pas, comme si et c’est peut-être le cas, vous sentez que cela ne servira à rien, compte tenu de ce qui s’est passé lors de la dernière hospitalisation et les recrudescences des crises d’épilepsie. Et pour quelqu’un qui a été autant manipulé (quand on voit tous des dessins représentant des personnes attachées, liées), on peut comprendre que toute décision qui n’a pas votre aval est comme une répétition de ces liens.
Mais en dessous il y a un autre questionnement : est-ce que je suis assez lucide pour me voir comme je suis, ou pas ?
Il semble que depuis l’incident sur les bords de la Loire, tout est plus difficile à gérer, parce que, de fait vous ne savez pas ce qui a pu se passer. Quelle est la réalité ? Avez vous été agressée ? On peut dire un peu oui, car une autre odeur que la votre est là, qu’il y a ces traces dans votre dos, et un peu non, puisque vous étiez absente et que dans ces cas là, certaines parties de vous prennent le contrôle (y compris le contrôle moteur) donc c’est le doute. Et cela c’est terrible, car cela pose la question de votre identité : qui suis-je ? Est ce que je me suis fait cela, ou est ce que quelqu’un a fait cela en profitant de moi ?
Vous ne vous reconnaissez plus, et en même temps vous vous reconnaissez. Et se rendre compte qu’on n’arrive pas à se prendre en charge cela revient à dire que l’on est nulle (ou paresseuse) ce que l’on vous tellement dit dans votre vie, que c’en est insupportable. Puisque vous vous battez justement pour être comme on dit « autonome » malgré tout.
Accepter que les autres décident à votre place, est ce la solution ? Faut-il vous protéger de vous-même et comment ?
Alors c’est normal que ça râle fort en vous.
Et en même temps il y a cette partie de vous qui crie (sur facebook avec des gros mots), et qui fait qu’on vous rejette, alors que ces cris sont justement  le contraire, mais comment le faire comprendre aux « bien normaux, bien socialisés » ? Vous, vous n’avez connu que les injures, et ces injures que l’on vous criait dessus, elles ressortent, mais voilà, ça ne se fait pas, et personne ne comprend. On dit que vous dépassez les limites, et c’est vrai. Et après il faut demander pardon, mais pourquoi ? Juste pour ne pas être jetée, mais ces cris ils ont une fonction et il faut bien qu’ils sortent.

II – Comment accepter que quelqu’un décide à ma place ?

Je me sentirais petite, je ne veux pas non plus qu’on gère, que on me gère d’une façon comme une autre, que je ne voudrais pas, mais je ne sais pas ce que je veux alors comment faire ? Comment je vais faire pour me sortir de ce bourbier.

C’est effectivement la question. J’ai été étonnée de lire que des personnes vous conseillaient de prier (pas moi). Je pense que quand on a été comme vous victime du mal, celui-ci ne veut pas lâcher sa proie (et comme vous travaillez à votre libération, j’aurais peut-être tendance à penser que du coup il y a un combat réel, pas forcément conscient, en vous).
Avez vous le droit de vous libérer de tout ce mal ? Bien sûr il y a ces personnes que vous aimez et qui vous aident, mais est ce suffisant ?
Parler du spirituel c’est parler d’un tiers, d’un autre. C’est croire qu’il y a une force qui veut que vous vous en sortiez. Si vous devez arriver un jour à vous pardonner d’être venue au monde, je pense qu’il faut aussi reconnaître que vous  avez besoin d’une aide que personne ne peut donner, comme d’ailleurs personne ne pourra combler le manque qui est en vous. Il suffit parfois juste d’un mot : dire « à l’aide » en s’adressant à quelqu’un qu’on ne voit pas, ne connaît pas mais dont on accepte de penser qu’il est là pour vous écouter. Mais se tourner vers un tiers, c’est sortir de la relation duelle avec les thérapeutes, c’est sortir de la relation avec vous-même pour se décentrer et cela c’est déjà beaucoup. A la fin de ma carrière de psy avec des enfants malades, je demandais souvent aux parents ce qui les aidait à « tenir ». Certains parlaient d’une force qui les aidait. Alors peut-être que vous aussi, vous la connaissez cette force et que vous pourriez vous en servir.

III – Est-il permis de demander de l’aide ?

J’ai peur de demander de l’aide je veux et je cherche à avoir le dessus à tous prix, quitte à me mettre en danger et c’est grave mais c’est comme cela, je veux cacher les choses qui me font mal, oui j’ai besoin d’aide et je ne sais pas trouver les mots pour l’expliquer sans virer les gens sans ne pas garder mon calme.

Il me semble que c’est normal d’avoir peur de demander de l’aide, parce que cela a toujours été interdit et que cela revient à transgresser des interdits donnés par les mères. Et comme je l’ai déjà dit, les injures vous connaissez, alors vous injuriez, parce que c’est ça que vous connaissez.

Ce que je ressens en moi est terrible j’ai l’impression que tout le monde ignore ce mal qui me ronge que tout le monde pense que c’est du cinéma que je cherche à me faire plaindre que je veux jouer à la petite fille mais non loin de là je suis vraiment mal parfois dans ma tête.

Je ne le pense pas, car qui voudrait faire ce cinéma juste pour qu’on s’occupe de lui ? Il me semble que grrr parle parfois de maso.. Est ce cela qu’il veut dire ? Que vous ne savez pas demander alors que les actes prennent le dessus ?

Je voudrais passer à l’acte pour ne plus ressentir tout cette souffrance en moi je ne veux pas me rendre malheureuse en écrivant cela non plus mais ma souffrance d’aujourd’hui est comme une marée noire qui peu à peu va prendre possession de mon corps entier et après mon cerveau qui lui est nettement embrouillé pour le moment.

Il me semble que le fait de ne plus vous couper est un énorme progrès. Cela a été votre unique moyen pour lutter contre la douleur morale et la souffrance somatique, peut-être est-il temps d’en trouver un autre aujourd’hui. J’aime bien ce terme de marée noire, parce que la marée noire est quelque chose qui englue qui paralyse, qui tue au final. Peut-être que c’est ce qui se voit dans ces dessins en noir et blanc de cette nouvelle période. Par contre cette marée on peut effectivement l’endiguer, mais il faut surtout trouver le bon solvant. Des limites oui, pour que la marée n’atteigne pas la plage, mais ce n’est pas suffisant.