Patrick Dewaere, Une vie par Christophe Carriere – révélation d’agressions sexuelles

Patrick Dewaere, une vie
Christophe Carriere
Parution le 14 juin 2012

Patrick Dewaere s’est suicidé le 16 juillet 1982 à l’âge de 35 ans.

Avant propos

Le secret est de polichinelle. Au détour d’un entretien donné à Première en 
2002. Elsa Dewaere, dernière épouse de l’acteur et mère de Lola, déclarait 
tout de go : « Il a subi dans son enfance et son adolescence les 
attouchements très graves d’un proche. À 16 ans, Patrick s’est révolté. Il a 
donné un coup de poing à cet homme pour dire : « avec moi. ça ne se passe plus comme ça. »

Voilà C’était là. Sous nos yeux. Noir sur blanc. Et personne n’a fait 
attention. Moi le premier, qui travaillait, quand a paru cet entretien, à 
Première précisément ! Sur le départ parce qu’en désaccord avec la 
direction de la rédaction sur les nouvelles orientations éditoriales, je lisais 
en diagonale ce magazine que j’aimais tant. Et puis, la déclaration n’a pas 
fait beaucoup de bruit à l’époque parce qu’elle venait d’Elsa, complice de 
défonce de Dewaere et vouée aux gémonies par quasiment tout le 
landemau cinématographique. N’empêche. On ne dit pas ce genre de chose 
au hasard. Surtout en 2002, quand les affaires de pédophilie font de plus en 
plus souvent la une des journaux. Deux ans plus tard. c’est Gérard 
Depardieu qui évoquera « la vérité», dans son livre Vivre : 
« Je crois que, dans son enfance, il avait été victime d’actes de pédophilie. Il m’en avait parié mais je ne sais pas si j’ai le droit de raconter ça. Ce que je 
sais, c’est que sa fragilité venait de là. Cette enfance qui ne passait pas, 
c’était son abîme, son gouffre intérieur. » Cela se précise. Et se confirme, sans équivoque, quand Bertrand Blier, pipe au bec, m’affirme sans 
sourciller : « Patrick m’a raconté qu’ïl avait été abusé sexuellement. Et il m’a 
toujours dit le plus grand mal de sa famille, à l’exception de ses frères et de 
sa sœur. C’est de là qu’il faut partir. »

Évidemment, cela change tout. Le mal-être permanent s’explique mieux. Tout s’explique. D’ailleurs, l’info est tel un « twist », ce retournement final 
dans les scénarios qui remet tout le film en perspective. Sauf qu’ici, il n ‘était 
pas question d’attendre la fin pour dire l’innommable. Le but n’est pas de 
verser dans le sordide ou d’entretenir un suspense glauque. Les détails des 
saloperies dont a été victime Patrick Dewaere, confiés par nombre de 
personnes une fois celles-ci assurées que j’étais affranchi de l’obscure 
indiscrétion, je les garderai pour moi. Pas question non plus de désigner 
quiconque comme coupable, tout responsable de ce bourbier étant 
aujourd’hui hors d’état de nuire. Cela ne servirait en rien le propos de cet 
ouvrage, à moins de vouloir satisfaire un voyeurisme malsain. Patrick 
Dewaere a été abusé sexuellement, point. Fort de cette affirmation, on peut 
« partir de là. » oui. Et reconsidérer les déclarations des uns et des autres, peut-être moins anodines qu’elles n’y paraissent. Ainsi, ce témoignage de 
Dominique Maurin, le petit frère préféré de Patrick Dewaere, dans le recueil 
d’entretiens de leur mère Mado Maurin. Patrick Dewaere mon fils, la vérité 
(Le Cherche Midi, 2006) : « Témoigner dans un procès où la victime et l’assassin sont déjà loin ? Que dire de plus que mes frères et sœur, coincés 
par une histoire qui n’aurait dû être qu’un secret de famille, comme tant d’autres ? C’est du spectacle et nous en sommes les acteurs. »

On ne réglera aucun compte. L’addition est trop salée. Mais on va 
étudier Dewaere par le menu, à la manière de Daniel Spoerri, plasticien qui 
fige les plats et les restes d’un repas sur une table afin d’en faire un tableau. On ne se lance pas dans une œuvre d’art, mais d’observation. Sans 
œillères. Sans emphase. Il y a encore vingt ans, quand on commémorait les 
dix ans de la mort de l’acteur, on y allait sur la pointe des pieds, avec ce 
qu’il fallait de circonvolutions pour ne froisser personne.

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La troisième révolution engagée par la culture numérique est psychique par Serge Tisseron

Culture numérique : une triple révolution, culturelle, cognitive et psychique


Posté par Serge Tisseron le 7 juin 2012.

Les technologies numériques modifient enfin le fonctionnement psychique de plusieurs façons.
1. Tout d’abord, l’identité se démultiplie. Le Moi n’est plus la propriété privée d’un individu, mais une construction à chaque fois tributaire des interactions. Le psychisme humain est un dispositif d’interaction intériorisé qui se complète et se nuance sans cesse sous l’effet de nouvelles communications. A chaque moment, il en est de nos identités comme des vêtements dans notre garde-robe. Nous les essayons à la recherche de notre personnalité décidemment insaisissable. Les identités multiples et les identifications flottantes définissent une nouvelle normalité dont la plasticité est la valeur ajoutée, tandis que l’ancienne norme du « moi fort intégré » est disqualifiée en psychorigidité. Quant à la pathologie, elle ne commence que quand ses identités échappent au sujet et qu’il devient incapable de différencier le dedans du dehors, l’intériorité de l’extériorité.
2. Ensuite, avec les technologies numériques, le clivage s’impose comme mécanisme défensif prévalent sur le refoulement. Sur Internet, en effet, aucun contenu n’est réprimé et tous sont accessibles instantanément par l’ouverture d’une « fenêtre » : c’est le système « windows ». Or cette logique correspond exactement à ce qui se passe lorsque, dans le clivage, nous sommes capable de penser à une chose, et aussitôt après de l’oublier comme si elle n’avait jamais existée. Du coup, les contraires peuvent y coexister sans s’exclure. Cela renforce le processus du clivage aux dépends du refoulement, avec des effets considérables sur l’éducation.
3. Enfin, Internet reproduit la caractéristique de notre mémoire qui est d’être un espace d’invention permanente dans lequel rien n’est daté de telle façon que le passé peut toujours être confondu avec le présent. Alors que la culture du livre fait une grande place à la succession et à la narration (avec un avant, un pendant, un après et un conditionnel), celle des écrans se déroule dans un éternel présent.

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