Les dangers de la Résilience par Serge Tisseron


Serge Tisseron
Psychanalyste et psychiatre
Auteur de l’Intimité surexposée,
Hachette, Paris 2002.
« Résilience » ou la lutte pour la vie,
Le Monde diplomatique, août 2003,
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Car, derrière ce mot, le mythe de la Rédemption n’est pas loin, le « résilient » étant censé avoir dépassé la part sombre de ses souffrances pour n’en garder que la part glorieuse et lumineuse. On entend de plus en plus de gens parler de leur « résilience » comme si c’était une qualité à porter à leur crédit, voire quelque chose qui pourrait nourrir l’estime d’eux-mêmes. Mais, à les écouter, on se prendrait parfois volontiers à plaindre leur entourage…
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Enfin, non seulement le résilient peut devenir une source de traumatismes graves pour les autres, y compris sa propre famille, mais il peut même parfois déployer une grande énergie destructrice.
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Dans la pratique clinique, il n’est pas rare de rencontrer des patients dont l’organisation psychique correspond à ce schéma. Du point de vue de leur existence familiale et sociale, ils semblent avoir parfaitement surmonté leurs graves traumatismes d’enfance. Ils sont polis, respectueux, sérieux et honnêtes ; comme l’était David Hicks (7). Pourtant, leur haine à l’égard de leurs parents ou de leurs éducateurs maltraitants reste intacte et ne demande qu’à être déplacée vers un ennemi que leur groupe leur désigne, permettant du même coup de mettre définitivement hors de cause ces parents ou ces éducateurs.
En pratique, pas plus qu’on ne peut savoir si une guérison apparente est stable ou pas, on ne peut déterminer à quoi correspond un altruisme apparent chez une personne qui a vécu un traumatisme. Il peut en effet résulter d’un dépassement réussi de celui-ci, mais aussi de la mise en sommeil d’une haine inextinguible pouvant conduire, plus tard, à réaliser un acte de violence inexplicable comme moyen de rendre vie à cette partie de soi à laquelle on n’a jamais voulu renoncer.
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(7) Le Monde, 29 décembre 2001.
Pour lire l’article, cliquez sur le logo de Le Monde diplomatique

3 réflexions au sujet de « Les dangers de la Résilience par Serge Tisseron »

  1. Je ne comprends pas ce mot résilience. Pour moi il me dit guérison. Le passé et le patient ne font qu’un.
    Je suis convaincue par contre pour la famille etc, pour eux c’est difficle à vivre je parle des séquelles de la personnes avec qui ils vivent, ils en souffrent et pas facile de trouver leur place non plus.
    Surmonter des séquelles graves de cela je ne crois pas, peut-être mieux vivre avec. Je ne pense pas que la politesse est en rapport là-dedans non plus. Faire un faux-semblant à quoi cela servirait ? avoir deux visages à part faire mal.
    Quand je lis ceci ça me fait peur, ça m’effaye :
    « à réaliser un acte de violence inexplicable comme moyen de rendre vie à cette partie de soi à laquelle on n’a jamais voulu renoncer »
    Je crois entendre les personnes qui parlent de la continuité de cette chaine de violence dans les familles, ce qui m’effraye le plus se sont les pulsions mais je me dis que cela peut se gérer par un suivi ou autre pour justement éviter cela et renoncer à cette violence.
    Ce morceau « on n’a jamais voulu renoncer » me déstabilise, me dérange et m’effraye.

  2. Bonjour Emmanuelle,
    Merci pour cet extrait de l’article de Serge Tisseron , qui a bien raison d’exprimer sa méfiance à l’égard du concept « résilience ». Il n’ose pas trop l’exprimer à l’égard de ses concepteurs, il devrait, je crois me rappeler que Muriel Salmona l’a fait.

    1. @Dr Maryse Camborde,
      Ce serait sympa de nous donner les références de ce qu’à communiqué la Docteure Muriel Salmona à ce sujet.
      Elle a bien publié un papier dans « Trauma et résilience : Victimes et auteurs » paru en juin chez Dunod, mais il s’agit de mémoire traumatique et pas de résilience.

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