Dossier Le virtuel 2 et 3 mars 2001 – publication octobre 2003


Le virtuel, les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) et la santé mentale

des 2 et 3 mars 2001 – publication octobre 2003

Sylvain Missonnier
Des consultations et des psychothérapies sur Internet ?
Sur fond de « télémédecine » en plein essor, les internautes croisent désormais de nombreux sites proposant des « consultations » en ligne. Ils sont pléthores aux États-Unis et au Canada et commencent à fleurir en France à l’initiative de professionnels d’horizons divers, isolés ou en groupe. Médiateur d’un « rapport touristique au monde », le réseau Internet serait devenu, dit-on, un espace de « rencontres ». Notre position d’acteur de la santé mentale est naturellement propice à l’examen critique de cette assertion. Plus encore, elle nous impose une question brûlante : Internet est-il compatible avec un échange que l’on peut sereinement intituler « consultation » et, qui plus est, qualifier de « psychothérapique » ? Psychiatres, psychologues et psychanalystes ne peuvent pas rester plus longtemps étrangers à ce débat à triple feuillet : éthique, déontologique et clinique. C’est cette discussion que je souhaite favoriser avec cette esquisse.
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2/ Définition du virtuel par Sylvain Missonnier


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… une piste étymologique (vir : l’homme ; virtus : la puissance). En effet, le 
virtuel, c’est la potentialité du « en puissance » auquel ne s’oppose 
nullement le réel mais bien la mise en acte, l’actualisation. La 
graine qui contient virtuellement l’arbre est tout aussi réelle que 
ses éventuels avatars successifs ultérieurs. Plus encore, le bloc 
de marbre dans lequel le sculpteur anticipe sa création recèle 
virtuellement le buste qu’il projette. Ce dernier exemple est 
emblématique car il met en scène le désir de création et son 
guide, la représentation (-but2) qui substitue la présence à 
l’absence. On y voit bien comment la technique donne la main 
et l’outil à la désirance dans une simultanéité3 et une réciprocité 
à l’opposé d’un clivage psyché/technique si souvent source de 
méprises. On y perçoit aussi avec clarté, combien la mise en 
œuvre de l’acte est le fruit d’une « anticipation créatrice »4 dont 
la nature et le contenu sont le reflet authentique de la mémoire 
cognitive, affective, fantasmatique d’un individu indissociable de 
sa filiation et de son affiliation culturelle. Cette anticipation d’un 
prototype imaginaire s’enracine dans le substrat mnésique vir
tuels5. C’est une véritable simulation psychomotrice qui jette un 
pont entre les possibles du virtuel matriciel et les singularités de 
l’actualisation agissante.
Dans ce contexte sémantique, les sophismes pour souligner 
la soi-disante paradoxalité de l’intitulé récent de « réalité virtuelle » se font plus rares. Je la définis comme une construction 
mentale de l’observateur immergé physiquement dans des simulations sensorielles interactives (des artefacts technologiques) qui 
leurrent sa perception. La réalité virtuelle est donc un bon vieux 
simulacre, non pas de la réalité mais de la perception du corps 
mobilisé certes avec ses cinq sens (l’odorat résiste encore un 
peu ?) mais aussi ses « représentations d’actions6« .
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2 Freud S. (1900), L’interprétation des rêves, Paris, PUF, 1967.
3 « L’instance symbolisante est toujours déjà techonologique » dit bien J.-L. Weissberg dans sa contribution.
4 Missonnier S. (2001), Anticipation et périnatalité : prolégomènes théoriques in Pratiques Psychologiques, n°1, 17-30 et Cupa D., Deschamps-Riazuelo H., Michel F. (2001), Anticipation et création : l’anticipation parentale prénatale comme œuvre in Pratiques Psychologiques, 1. 31-42.
5 Bergson H. (1896), Matière et mémoire, Paris, PUF.
6 Freud S. (1900), L’interprétation des rêves, paris, PUF, 1967.
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