2/ Un étrange compagnon qui n’était pas la mort

16 août 2003
Le cancer s’était installé en elle sans crier gare. Étonnant, elle n’en ressentait aucune douleur et savait que lorsqu’elle en pâtirait, il serait trop tard. Un étrange compagnon qu’elle connaissait sans le nommer depuis un moment déjà. Il n’était pas la mort. Celle-là, elle l’avait eu lors du premier viol, elle ne se souvenait plus quand, parce qu’elle avait eu peur, de cette grande peur qui fait qu’on a plus que des petites peurs après, parce qu’elle était morte à ce moment-là. Le cancer était-il le voyeur de sa souffrance ? Était-il là pour préparer décemment son départ ? pour l’aider à vivre le dénouement de sa vie en toute conscience ? l’aiderait-il à grandir toute seule sans lui en donner vraiment le temps ? Camille devait apprendre à se résigner, sans évoluer en adulte désenchantée. La confiance en la vie était restée, pas en sa vie à elle, mais en celle de son compagnon, de ses enfants, de ses amis, de ces vies dont elle faisait partie.
Le Pavillon des cancéreux d’Alexandre Soljenitsyne l’avait marquée. Bien sûr qu’elle l’avait oublié, mais il revenait sur le devant de la scène, austère grisaille, défaite par une lumière vive de force et d’espoir. Volonté de l’homme qui résiste avec philosophie et ténacité aux tourments de la maladie et de l’histoire. C’est l’amour de toute chose, elle avait quinze ans et Marie lui avait donné ce livre qu’elle prétendait incontournable.

Autres textes de l’Auteure obligatoirement anonyme

1/ Le cancer sans crier gare
3/ « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort. »
4/ Le cancer était comme une épée qu’elle s’était plantée dans le cœur
5/ Dans l’ordre de « l’infinie répétition du même »
6/ La maladie impose une privation qui n’a pas cause humaine et fait de la mort une douleur
7/ L’annonce du cancer
8/ Le sein allait disparaître

1/ Le cancer sans crier gare

15 août 2003
Le cancer était apparu sans qu’elle ait pu le dévisager. Il l’avait surprise. Choc négatif et pourquoi pas constructif ? Claude allait lutter contre cette réalité.
Une maxime de Georg revenait comme une musique lancinante en remontant la rue, pour rentrer chez elle, après l’annonce : « Il faut réaliser ses rêves dans la réalité, quelquefois contre la réalité, mais jamais sans la réalité. » Alors là, Monsieur qui sait ce qu’est la réalité ! Camille était furieuse, elle supposait que celle-là, il ne l’avait pas vu arriver. Pourquoi était-elle sûre qu’il y avait un lien entre sa maladie et l’abandon de Georg ? Quel sens avaient les mots rêve et réalité, semblables au fouet dans le cancer qu’elle développait ?
Campée sur une définition médicale Claude se rassurait : « Tumeur maligne due à une multiplication anarchique des cellules d’un tissu organique. » Elle intellectualisait et cherchait des métaphores : « Emprunté au latin cancer « écrevisse, crabe » » Elle avait la trouille et ne cessait de s’invectiver intérieurement.
« Oh, tu nous casses les pieds avec ton « jus de crâne » ! Moi je suis d’accord avec Sartre : « La littérature moderne, en beaucoup de cas, est un cancer des mots. »
–    Quant à la quatrième constellation du Zodiaque, et le Tropique du Cancer, tu en fais quoi ?
–    Parce que Georg est du signe du Cancer ?
–    Parce que mon cerveau essaye de tuer mon cœur.
–    Ça, ma vieille, c’est le syndrome du cœur brisé, mais tu exagères, ça fait dix ans, avec le temps ?
–    Le temps ne change pas la réalité. Pour moi, seules les actions changent le cours des choses. L’inertie ne crée rien de nouveau. »

Autres textes de l’Auteure obligatoirement anonyme

2/ Un étrange compagnon qui n’était pas la mort
3/ « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort. »
4/ Le cancer était comme une épée qu’elle s’était plantée dans le cœur
5/ Dans l’ordre de « l’infinie répétition du même »
6/ La maladie impose une privation qui n’a pas cause humaine et fait de la mort une douleur
7/ L’annonce du cancer
8/ Le sein allait disparaître