Non à la dictature de l’optimisme, j’ai le droit d’être triste !

Non à la dictature de l’optimisme, j’ai le droit d’être triste !
15 décembre 2016
Sophie Carquain
*Psychologue clinicienne, auteure de nombreux ouvrages, dont Voir les lilas refleurir (éd. Albin Michel).
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L’obsession de l’optimisme, une manière de « photoshoper » l’existence

Bien sûr, ces injonctions sont au fond bienveillantes. Elles traduisent l’angoisse des proches, leur impuissance et leur compréhensible souci de nous savoir rassemblée, motivée. Mais voilà comment, insidieusement, on se persuade de ne plus s’écouter. Voilà comment on s’enferme soi-même dans un déni de réalité. Déprimer, c’est voir la vie en bleu.

Le philosophe Martin Steffens, auteur de La Vie en bleu (Marabout), déplore cet effacement de la lucidité : « Il y a une certaine tendance, à travers la pensée positive, à penser que si l’on occulte l’épreuve, elle ne nous atteindra pas. » Dans cette obsession de l’optimisme, le philosophe voit une manière de « photoshoper » sa propre existence, comme si, par un tour de passe-passe, on pouvait en gommer les irrégularités, les erreurs.

Mais attention, selon lui, au retour de manivelle : « À force de ‘‘penser positif’’ en toutes circonstances et d’attendre benoîtement que le meilleur se produise, on en vient à être déstabilisé par le moindre petit grain de réel. » On ne sait plus anticiper, en clair. « Si vis pacem, para bellum », confirme d’ailleurs la sagesse populaire.

Si tu veux la paix, prépare la guerre

Donc intègre cette maxime dans ton schéma de pensée. Sans pour autant n’envisager que le pire. Et c’est là toute la difficulté. En ce sens, on peut distinguer le pessimiste nihiliste du « pessimiste actif, qui travaille à améliorer son sort ». À en croire notre philosophe, la couleur de ce dernier serait plutôt le bleu : « À mes yeux, le bleu correspond à la juste articulation au réel car il évoque à la fois l’espérance et le ‘‘bleu de travail’’ (le sens de l’effort), les ‘‘bleus à l’âme ». »

Bref l’incontournable lot de nos petites souffrances quotidiennes, en somme. Voir la vie en bleu, ce serait donc voir la vie en face et chercher en soi les ressources parfois cachées pour mieux la traverser. Au contraire, poursuit le philosophe,

« le rose est une “demi-couleur’’, fabriquée, qui n’appartient pas à la palette des teintes primaires. Elle enjolive le réel, c’est vrai. Mais quand vous vous retrouvez face à vos difficultés (comme la maladie), vous risquez de tomber de haut ! ».

Donc de passer sans transition du tout rose au tout noir.

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